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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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les mineurs remontés avaient
rejoint leur femme, leurs enfants ; ils s’embrassaient en pleurant. Des
femmes palpaient le visage de leur mari, comme pour s’assurer qu’il était bien
là. Au bord des larmes, je les regardais, et je les enviais. Leur angoisse était
terminée, la nôtre, au contraire, augmentait à mesure que le temps passait.
    L’attente reprit, longue, interminable. Elle dura des heures.
J’entendais, derrière moi, mon beau-père respirer de plus en plus difficilement.
Plusieurs fois, Jeanne lui dit :
    — Va à la maison, Pierre. J’irai te chercher dès
qu’il y aura du nouveau.
    Mais, à chaque fois, il secoua la tête. Il voulait, comme
nous tous, rester sur place, tout en sachant que cela ne changerait rien.
    A la fin de l’après-midi seulement, nous apprîmes qu’une
partie de la galerie avait pu être déblayée, et qu’un certain nombre de mineurs
allait remonter. Par contre, tout le reste de la galerie était complètement
effondré ; il faudrait beaucoup de temps avant de pouvoir libérer ceux qui
étaient bloqués dans cette partie. Nous nous regardions, et la même
interrogation, le même souhait, se lisait dans nos yeux.
    Un cri se fit, de nouveau :
    — Les voilà ! Les voilà !
    J’ai essayé de regarder, mais je n’ai pas pu. J’ai fermé les
yeux, et les battements de mon cœur étaient si forts qu’ils me causaient une
véritable douleur. Avec une impression d’irréalité, j’ai senti que ma mère me
serrait le bras ; sa voix me parvint, lointaine, ouatée :
    — Madeleine ! Charles est là ! Je le
vois !
    J’ouvris les yeux, n’osant y croire, et je le vis, moi aussi.
Il s’avançait, au côté de Georges. Anna, près de moi, criait frénétiquement « Georges !
Georges ! » en faisant de grands gestes du bras. Ils vinrent vers
nous. Charles me serra contre lui avec emportement. Une croûte de sang séché
marquait son front. Il murmura, d’une voix étranglée :
    — Madeleine, ma chérie ! J’ai bien cru ne
jamais te revoir…
    Je pleurais, soulagée de voir que Charles était sauf, mais
Jean n’était toujours pas là. Je regardai Charles, questionnai :
    — Jean ? Il n’était pas avec toi ?
    Il secoua la tête, et dans son regard passa une intense
douleur :
    — Je ne sais pas où il était. Il devait être au
bout de la galerie…
    Je me jetai contre lui, torturée :
    — Charles ! J’ai peur ! Tu crois que…?
    — Je ne crois rien. Ne t’inquiète pas, Madeleine.
Vois, je suis bien remonté, moi, et Georges aussi. Nous allons continuer à
déblayer, et nous libérerons les autres.
    Ma belle-mère ne se lassait pas d’embrasser Charles, puis
Georges, tour à tour, et je vis, dans les yeux de Pierre, des larmes qu’il n’essayait
pas de cacher.
    — Nous devons repartir, dit Charles, nous allons
aider à déblayer. Plus nombreux nous serons, plus vite cela ira.
    Je m’accrochai à lui :
    — Charles ! Sois prudent ! Je ne veux
pas te perdre, maintenant que je t’ai retrouvé.
    — Sois sans crainte, Madeleine. Le danger est
passé.
    Il me serra la main, ajouta :
    — Aie confiance. Je te ramènerai Jean.
    Avec Georges et les autres, il repartit. Nous reprîmes notre
attente. En mon cœur, deux sentiments se mélangeaient : le soulagement de
savoir Charles sain et sauf, et l’inquiétude de ne rien savoir pour Jean. Mon
enfant, où était-il ? Ne rien pouvoir faire rendait la situation encore
plus atroce. Peut-être était-il blessé ? L’anxiété me torturait.
    Le soir, on ne savait toujours rien de plus. Le sauvetage s’avérait
plus difficile que prévu. L’accès était complètement bouché, il y avait eu un
effondrement sur plusieurs mètres. Charles, qui était remonté, expliqua :
    — C’est très dur, très malaisé aussi. Il y a
parfois d’énormes blocs, il faut y aller avec précaution, de peur de causer un
éboulement. Ça prendra beaucoup de temps, je le crains…
    J’étais incapable de parler. L’angoisse m’habitait, ne
laissant place à aucun autre sentiment.
    La nuit fut atroce. Je ne dormis pas. Pour la première fois
depuis sa naissance, Jean n’était pas avec nous. Où était-il, et dans quel état ?
Je l’imaginais tour à tour vivant et emmuré, ou blessé, ou même peut-être… Je n’osais
pas penser plus loin. Je refusais que la mine me le prît. En plus, j’étais consciente
de mon impuissance, et c’était une torture de plus.
    A l’aube, Charles

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