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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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repartit aider les sauveteurs. Avec ma
mère et mes beaux-parents, je repris mon attente, devant les grilles de la
fosse. C’était de plus en plus insupportable. Je n’étais plus que tourment, avec
cette idée fixe : que mon enfant fût sauvé.
    A la fin de la journée, on nous apprit que les sauveteurs n’avaient
avancé que de quelques mètres. Les mineurs qui étaient encore au fond étaient
tous bloqués derrière cet énorme effondrement ; il fallait tout déblayer
avant d’arriver jusqu’à eux. On parlait maintenant de plusieurs jours.
    Je faillis m’évanouir. Ma mère essaya de me raisonner, mais
sa voix trahissait une anxiété et un tourment égaux aux miens.
    La nuit suivante fut encore pire que la précédente. Je
pleurai dans les bras de Charles. Lui-même, torturé par l’angoisse, ne pouvait
que craindre avec moi. J’ai dû somnoler plusieurs fois, ou perdre conscience, je
ne sais plus.
    Dès qu’il fit jour, Charles repartit, une nouvelle fois, afin
de relayer l’équipe de nuit, et une autre journée s’étira, un lent supplice. À chaque
heure qui passait, je pensais toucher le fond de l’angoisse et du désespoir, mais
l’heure suivante était encore plus atroce. Je sentais la démence s’emparer de
moi. Nous attendîmes encore toute la journée. Le soir, il n’y avait toujours
rien de nouveau.
    Au cours de la troisième nuit d’attente, je crus bien perdre
la raison. Plus le temps passait, plus les chances de les retrouver vivants
diminuaient. Au fur et à mesure que les heures s’écoulaient, ma douleur
gémissait tout au fond de moi, et les plaintes de ma souffrance emplissaient ma
tête, allant en s’amplifiant jusqu’à atteindre un crescendo insoutenable que j’étais
seule à entendre et qui peu à peu me rendait folle.
    Une autre journée s’écoula. Je ne quittais pas le carreau de
la fosse. Derrière la grille, avec d’autres, je guettais fiévreusement le
moindre mouvement à l’intérieur. Par moments, ma mère prenait pitié de mon
regard traqué, halluciné. Elle me disait :
    — Viens, Madeleine, viens chez moi, ou allons
chez toi. Ça ne changera rien, de toute façon. Viens…
    Mais je refusais farouchement, moi aussi. Je voulais rester
là, le plus près possible de l’endroit où se trouvait mon enfant. Il me
semblait qu’ainsi je le protégeais, malgré tout. Et surtout, je voulais savoir
tout de suite, lorsqu’il y aurait du nouveau. La moindre seconde comptait.
    Les équipes de sauveteurs se relayaient continuellement, et
avaient réussi à progresser. Le soir, Charles annonça :
    — On arrive bientôt à l’endroit où ils sont
prisonniers. Ils ont entendu nos coups de pic, et ont répondu en tapant à leur
tour. Ils sont vivants !
    Je n’eus pas le courage de rectifier : certains étaient
vivants, sans doute, mais peut-être pas tous…
    — Maintenant que nous savons que nous approchons
du but, continuait Charles, nous sommes pris d’un regain d’énergie. Nous
commencions à perdre espoir…
    Une nuit interminable suivit, et j’essayais de ne pas
écouter le hurlement silencieux et continu qui montait en moi. Dès l’aube, je
me retrouvai, avec les autres, devant les grilles. C’était la cinquième journée ;
je n’en pouvais plus. Je dormais à peine, et ne tenais debout qu’à grand
renfort de tasses de café ; je découvrais l’enfer.
    Vers le milieu de l’après-midi, alors que je finissais par
perdre conscience du monde extérieur pour ne ressentir que mon angoisse, une
nouvelle nous parvint :
    — Ça y est ! Ils y sont arrivés ! Ils
les ont trouvés !
    Je n’osais y croire et en même temps j’appréhendais. Qu’avaient-ils
trouvé ? Un même frisson nous secoua toutes. Je regardai ma mère et Jeanne,
qui étaient près de moi, et dans leurs yeux je vis à la fois la peur et l’espoir.
    Nous dûmes attendre encore, longtemps. Soudain, un grand
remous se fit :
    — Les voilà ! Les premiers remontent !
    Avec la sensation de vivre un cauchemar, je regardai. Un
premier groupe venait en effet d’apparaître. Soutenus par leurs camarades, ils
vacillaient, ils mettaient leurs mains sur leurs yeux pour les protéger de la
lumière du jour, cruelle après tout ce temps passé dans l’obscurité. Ils
venaient vers nous, et je les dévorais du regard, essayant de voir Jean. Mon
cœur se fit très lourd, une infinie désespérance me submergea : Jean n’était
pas parmi eux. Des larmes piquèrent mes yeux

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