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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Paul Armand
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brûlants, et je serrai les dents
de toutes mes forces pour ne pas gémir.
    Autour de nous, les premiers rescapés étaient happés par
leur famille. J’entendais, avec une impression d’irréalité, les sanglots et les
cris hystériques des femmes. Puis un autre cri me parvint :
    — Ils remontent les blessés !
    Je n’étais plus qu’un brasier que dévorait l’angoisse. Je me
mis à trembler sans pouvoir m’en empêcher. À force de regarder fixement l’endroit
où ils allaient apparaître, ma vue se brouillait et je n’y voyais plus rien.
    Les sauveteurs venaient vers nous, portant des brancards. Ils
s’approchèrent. J’avançai, le regard tendu. Alors je le vis. Il était allongé
sur un brancard, faible, si faible qu’il pouvait à peine bouger. Son épaule et
son bras gauche étaient couverts de sang séché. De sa main valide, il
protégeait ses yeux qui étaient pleins de larmes. Ils étaient fixés sur moi et
reflétaient encore toute l’horreur qu’il avait vécue.
    Je tombai à genoux, pris son visage dans mes mains.
    — Mon Jean ! Tu es là…
    Il murmura, si bas que je l’entendis à peine
    — Maman…
    Puis, dans un soupir, il s’évanouit.
    J’eus à peine conscience que ma mère et mes beaux-parents, à
côté de moi, pleuraient. Dans les bras de Charles qui était revenu, je laissais,
moi aussi, libre cours à mes larmes. Je me débarrassais de toutes ces heures de
tension insupportable, et subitement je me sentais faible.
    — Viens, me dit Charles, ramenons-le à la maison.
Il faut le soigner.
    Laissant là mes beaux-parents, qui attendaient encore parce
que Julien n’était toujours pas remonté, je rentrai chez moi avec mon mari, ma
mère, et mon fils que la mine acceptait de me rendre, blessé et meurtri.

3
    CE n’est que par la suite que je découvris à quel point il
était meurtri, bien plus moralement que physiquement. Il avait été blessé à l’épaule
et au bras, mais, assura le médecin, ce n’était pas grave, il n’y avait rien de
cassé.
    — Il est jeune, tout devrait se cicatriser
rapidement. À cet âge, la nature a des ressources !
    Le médecin parti, je contemplai mon enfant, la gorge serrée.
Nettoyé et pansé, il reposait, les yeux clos, le visage plus blanc que l’oreiller.
Mon cœur pleurait en le regardant, et, si j’étais soulagée de le retrouver
vivant, je souffrais de le voir là, comme un pantin brisé.
    — Viens, me dit Charles, laissons-le dormir. Il a
besoin de récupérer.
    Déchirée, j’obéis. Que pouvais-je faire d’autre, en effet, pour
le moment ? Serais-je capable d’effacer toute l’horreur que j’avais vue
dans son regard ? Je me penchai, embrassai son front avec douceur et
tendresse, et je quittai la chambre.
    J’y revins souvent, pourtant. Je n’arrivais pas encore à
croire qu’il fût bien vivant. J’avais besoin de le voir, de le regarder dormir.
Je venais écouter le bruit de sa respiration, et seulement alors je me
rassurais.
    Dans la soirée, Charles revint, hagard et bouleversé. Après
les blessés avaient été remontés, en dernier, ceux qui avaient été tués. Ils
étaient sept en tout ; Julien était parmi eux. Il avait été atrocement
brûlé.
    — C’est affreux, gémit Charles. Ma mère est comme
folle, et mon père, lui, ressemble à quelqu’un qui a reçu un coup sur la tête.
    Il s’effondra sur une chaise et se mit à pleurer. Je m’approchai
de lui, posai les mains sur ses épaules. J’étais impuissante à le consoler. Je
l’aimais bien, Julien, j’avais fini par m’habituer à sa présence silencieuse et
discrète. C’était un taciturne. La mine l’avait tué, lui aussi. Quelle cruauté !
Combien il était dur, le métier de mineur, dans son combat inégal, impitoyable,
avec la mort !
    Je courus chez mes beaux-parents. Georges et Anna étaient là.
Des camarades de travail de Julien vinrent, avec leur femme, apporter leur
soutien, mais, en face d’un drame aussi atroce, ils étaient impuissants eux
aussi.
    Dans les bras de Jeanne, je pleurai avec elle. Elle qui
avait gardé au cœur, depuis la mort de Marie, une blessure inguérissable, comment
allait-elle réagir à ce nouveau coup du sort, qui lui enlevait un autre enfant ?
Ses yeux avaient un regard perdu, halluciné. Pierre était complètement hébété. Il
secouait la tête avec une sorte d’incrédulité, n’arrivant pas à comprendre, à
accepter, à admettre.
    Nous avons caché à Jean, le plus

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