La Prison d'Édimbourg
reculer ensuite par timidité en voyant qu’ils semblaient la fuir. Il jugea qu’il y avait dans sa conduite quelque chose d’extraordinaire, et en homme bienfaisant, en digne ministre des autels, il résolut d’approfondir cette affaire.
CHAPITRE XXXII.
« Or pour bedeau l’église avait un drôle
» Grondeur, bourru, mais qui savait son rôle.
CRABBE.
Tandis que M. Staunton, c’est ainsi que se nommait ce digne ecclésiastique, était allé ôter son surplis dans la sacristie, Jeanie en venait à une rupture ouverte avec Madge.
– Il faut que nous retournions sur-le-champ à la grange des Fous, lui dit Madge ; il sera tard quand nous arriverons, et ma mère aura de l’humeur.
– Je ne retournerai pas avec vous, Madge, répondit Jeanie en lui offrant une guinée ; il faut que je continue mon voyage.
– Comment, ingrate ! s’écria Madge, quand je suis venue ici pour vous faire plaisir, vous m’exposerez à être grondée par ma mère ! Ah ! je vous réponds que vous me suivrez. Et en même temps elle la prit par le bras, et chercha à l’entraîner.
– Pour l’amour du ciel, secourez-moi, dit Jeanie à un homme qui était près d’elle, délivrez-moi de ses mains, elle est folle.
– Je le sais, répondit le rustre, et je crois bien que vous êtes deux oiseaux du même plumage. Mais n’importe. Allons ! Madge, laisse-la aller, si tu ne veux avoir une bonne taloche.
Toute la populace, tous les enfans, s’étaient assemblés autour d’elles. – Venez ! venez ! criaient-ils ; il va y avoir un combat entre Madge Wildfire et une autre folle de Bedlam ! On faisait cercle dans l’espoir de jouir de ce spectacle intéressant, quand on aperçut le chapeau galonné du bedeau, et chacun s’empressa de faire place à ce personnage important. Il s’adressa d’abord à Madge.
– Qu’est-ce qui te ramène ici, maudite coureuse ? As-tu encore quelque bâtard à porter à la porte d’un honnête homme ? T’imagines-tu que la paroisse se chargera de cette oie, qui est aussi folle que toi ? comme si nous ne payions pas déjà assez de taxes pour les pauvres ! Sors de la paroisse sur-le-champ, ou je t’en chasse avec le bâton ! Va retrouver ta voleuse de mère qui vient d’être mise en prison à Barkston.
Madge garda le silence un instant. Le bedeau lui avait fait trop souvent connaître sa puissance par des moyens peu aimables, pour qu’elle osât contester son autorité.
Enfin elle s’écria : – Quoi ! ma mère, ma pauvre vieille mère en prison à Barkston ! Tout cela à cause de vous, miss Jeanie Deans ; mais vous me le paierez, aussi sûr que je me nomme Madge Wildfire ; c’est-à-dire Murdockson. Bonté divine ! dans mon trouble, j’oublie jusqu’à mon nom.
À ces mots, elle tourna les talons, et s’enfuit aussi vite que ses jambes purent la porter, pour éviter la poursuite de tous les enfans du village qui couraient après elle en poussant de grands cris.
Jeanie la vit partir avec bien de la satisfaction, quoiqu’elle eût désiré pouvoir la récompenser de manière ou d’autre du service qu’elle lui avait rendu sans le vouloir.
S’adressant alors au bedeau, elle lui demanda s’il y avait dans le village une maison où elle pût être reçue en payant, et s’il lui serait permis de parler à l’ecclésiastique.
– Oui, oui, nous aurons soin de toi, répondit le fonctionnaire de l’église, et, si tu ne réponds pas comme il faut au recteur, nous épargnerons ton argent et nous te logerons aux dépens de la paroisse, jeune femme.
– Et où m’allez-vous conduire ? demanda Jeanie un peu alarmée.
– D’abord chez Sa Révérence, pour lui rendre compte de ce que tu es, et empêcher que tu ne tombes à la charge de la paroisse.
– Je ne veux être à la charge de personne ; je ne manque de rien, et je ne demande qu’à continuer ma route en sûreté.
– C’est une autre affaire, si cela est vrai ; au reste, j’avoue que vous n’avez pas un air aussi égaré que votre camarade. Vous seriez une assez belle fille, si vous étiez un peu plus requinquée. Mais, allons, venez voir le recteur, ne craignez rien, c’est un brave homme !
– Est-ce le ministre qui a prêché ? demanda Jeanie.
– Le ministre ! Dieu te bénisse ! Quelle presbytérienne es-tu donc ? Je te dis que c’est un recteur, le recteur lui-même, et qui n’a pas son pareil dans le comté, ni dans les quatre comtés voisins. Allons,
Weitere Kostenlose Bücher