La Prison d'Édimbourg
campagne, soit dans le cabinet : y trouvera-t-on une tache qui puisse ternir mon honneur ? Je me suis montré ami zélé de mon pays, et sujet fidèle de mon roi ; je suis prêt à le faire encore sans m’inquiéter un instant du sourire d’affection ou de mépris des courtisans. J’ai éprouvé la faveur et la disgrâce de la cour, j’attends l’une et l’autre avec indifférence. J’ai donné mes raisons pour m’opposer au bill qu’on nous présente ; j’ai prouvé qu’il est contraire au traité d’union qui lie les deux couronnes, – à la liberté de l’Écosse, et par suite même à celle de l’Angleterre, à l’intérêt général, au bon sens, à la justice. Faudra-t-il que la métropole de l’Écosse, la capitale d’une nation indépendante, une cité honorée par la résidence d’une longue suite de monarques, soit dépouillée de ses droits, de ses honneurs, de ses priviléges, de sa garde et de ses portes, pour punir la faute de quelques factieux obscurs et ignorés ? Faudra-t-il qu’un Écossais voit de sang-froid une pareille injustice ? Je me glorifie, milords, de m’opposer à de tels projets ; c’est avec orgueil que je prends la défense de mon pays, qu’on veut soumettre à une humiliation si peu méritée.
D’autres orateurs, soit anglais, soit écossais, parlèrent dans le même sens ; le bill ne fut adopté qu’après avoir été dépouillé de ses dispositions les plus rigoureuses, et ce qu’il contint de plus remarquable fut une amende prononcée contre la ville d’Édimbourg au profit de la veuve de Porteous ; de manière, comme on le remarqua dans le temps, que des débats si animés n’aboutirent qu’à faire la fortune d’une ancienne cuisinière, car telle avait été la condition de cette femme avant son mariage.
La reine ne pardonna pas facilement au duc d’Argyle la part qu’il avait prise à cette discussion. Il vit qu’il était reçu avec froideur à la cour, s’abstint d’y paraître, et fut de nouveau regardé comme disgracié. Il était nécessaire de mettre ces circonstances sous les yeux du lecteur, parce qu’elles servent à lier ce qui précède avec ce qui va suivre.
Le duc était seul dans son cabinet, quand son valet de chambre vint lui dire qu’une jeune villageoise écossaise insistait pour lui parler.
– Une villageoise et une Écossaise ! dit le duc ; et quelle affaire peut amener la folle à Londres ? Quelque amoureux pressé et embarqué ; quelques fonds perdus dans les spéculations de la mer du sud ; et il n’y a que Mac-Callummore qui puisse arranger des choses si importantes. La popularité à bien ses inconvéniens. N’importe, Archibald, faites entrer notre compatriote ; il n’est pas poli de faire attendre.
Archibald introduisit une jeune fille de taille moyenne, dont l’air modeste était aussi expressif qu’agréable, quoique son teint fût un peu bruni par le soleil. Elle était vêtue du plaid écossais, qui couvrait sa tête en partie, et qui retombait sur ses épaules ; de beaux cheveux blonds flottaient sans art sur son front et sur son plaid, et sa physionomie annonçait le respect que lui inspiraient le rang et la présence du duc, quoiqu’on n’y aperçût aucune trace de crainte ni de mauvaise honte. Tout son ajustement était celui que portent ordinairement les jeunes villageoises d’Écosse, et ne se distinguait que par cette propreté qui est si souvent réunie à la pureté de cœur dont elle est l’emblème.
Elle s’arrêta à la porte, et fit une grande révérence en croisant les mains sur sa poitrine, sans prononcer un seul mot. Le duc s’avança vers elle ; et, si elle admira la richesse de ses habits ornés de toutes les décorations qui lui avaient été accordées et qu’il avait si bien méritées, elle ne fut pas moins frappée de l’air de bonté qui régnait dans tous ses traits. Le duc, de son côté, ne remarqua pas sans quelque plaisir la modestie et la simplicité du costume et des manières de son humble compatriote.
– Est-ce à moi que vous voulez parler, ma bonne fille ? lui dit le duc ? ou est-ce la duchesse que vous désirez voir ?
– C’est à Votre Honneur, milord,… je veux dire à Votre Grâce que j’ai affaire.
– Et de quoi s’agit-il, ma chère enfant ? lui dit le duc du ton le plus doux et le plus encourageant.
Jeanie jeta un regard timide sur le valet de chambre.
– Retirez-vous, Archibald, lui dit le duc, et attendez
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