La Prison d'Édimbourg
Clyde, et où l’on se rend si facilement aujourd’hui par le moyen des bateaux à vapeur, étaient du temps de nos pères des rivages retirés, presque inconnus ; un voyageur y descendait rarement. Elles sont toutes d’une beauté ravissante et variée. Arran, pays montagneux, abonde en sites imposans et romantiques. Bute, couvert de bois, présente un caractère plus doux. Les Cumrays, unies et couvertes de verdure, forment un contraste avec ces deux îles, et sont comme les anneaux d’une chaîne qui ferme le bras de mer, quoique séparées les unes des autres par des intervalles considérables. Roseneath, plus petite, est située sur la rive occidentale, près de l’embouchure du lac nommé le Gare-Loch, et non loin du Loch-Long et du Loch-Seant ou Holy-Loch {120} , qui vont se perdre dans le golfe que forme la Clyde.
Dans ces îles, les vents glacés du printemps, si contraires à la végétation en Écosse, ne se font comparativement que peu sentir, et, excepté l’île gigantesque d’Arran, elles sont peu exposées aux tempêtes si fréquentes dans la mer Atlantique, parce qu’elles sont protégées à l’occident par les côtes élevées du comté d’Ayr. Le saule pleureur et le bouleau s’y trouvent en abondance, de même qu’un grand nombre d’autres arbres qui ne se plaisent pas autant dans la partie orientale de l’Écosse, et l’air y est assez doux pour qu’on le recommande aux malades attaqués de consomption.
Parmi toutes ces îles, aucune n’offre tant de beautés pittoresques que celle de Roseneath ; aussi les comtes et ducs d’Argyle, dès les temps les plus reculés, y avaient fait construire une espèce de rendez-vous de chasse et de pêche, où ils venaient fréquemment faire des parties de plaisir. Ce bâtiment est devenu un palais avec le temps, mais il était encore dans sa simplicité primitive quand la chaloupe que nous avons laissée traversant le détroit approchait du rivage.
Lorsque nos voyageurs arrivèrent au lieu de débarquement, ombragé par de grands chênes et par quelques touffes de noisetiers, ils aperçurent à travers les arbres deux ou trois personnes qui semblaient attendre leur arrivée. Jeanie y fit peu d’attention, et elle éprouva une surprise semblable au choc d’une commotion électrique quand, les mariniers l’ayant déposée à terre, elle se trouva dans les bras de son père.
Cet événement était presque incroyable ; il ressemblait trop à un heureux songe pour être long-temps à ses yeux une réalité. Après avoir reçu le premier embrassement de son père, elle recula pour s’assurer que ce n’était pas une illusion. Elle ne pouvait plus en douter : c’était Douce David Deans, c’était son habit des dimanches, bleu de ciel, garni de larges boutons de métal ; c’étaient son gilet et ses culottes de même étoffe, ses guêtres de drap gris, ses boucles de cuivre, sa large toque bleue des Lowlands rejetée en arrière tandis qu’il levait les yeux au ciel dans un transport de reconnaissance silencieuse. Elle reconnaissait ces cheveux blancs qui ombrageaient ses joues basanées, ce front chauve sillonné de rides, cet œil dont l’âge n’avait pas encore diminué la vivacité, ces traits ordinairement graves et sérieux, qui exprimaient en ce moment la joie, la tendresse et la reconnaissance. Cette figure était telle, que si je vois jamais mes amis Wilkie ou Allan, je veux leur emprunter ou leur dérober une esquisse de cette scène.
– Jeanie ! s’écria le vieillard, ma chère Jeanie ! ma digne et bonne fille ! Que le Dieu d’Israël soit ton père, car je suis à peine digne de toi ! Tu as racheté notre captivité ! tu as rendu l’honneur à notre famille ! Que la bénédiction du ciel se répande sur toi ; mais il t’a déjà bénie en te choisissant pour l’instrument de sa clémence.
Malgré son stoïcisme habituel, ce ne fut pas sans verser quelques larmes qu’il prononça ces paroles. Archibald avait eu l’attention délicate de renvoyer tout le monde, de manière que le père et la fille, dans cette première entrevue, pouvaient se livrer à l’effusion de leurs sentimens sans autres témoins que les arbres du bois et le soleil couchant.
– Et où est Effie, mon père ? demanda Jeanie après s’être abandonnée aux premiers transports de la tendresse filiale.
– Vous le saurez, vous le saurez, lui répondit-il ; et il commença à rendre de nouvelles actions de grâces au ciel
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