La Prison d'Édimbourg
comme un écureuil dans sa cage suspendue à la fenêtre d’un troisième.
Archibald sourit intérieurement de ce que ces symptômes de mauvaise humeur ne s’étaient pas manifestés avant que la belle mécontente se trouvât entièrement sous sa patte, comme il se le disait à lui-même. – Ce n’est pas moi qui ai fait ces montagnes, lui répondit-il avec un grand sang-froid, et je ne vois pas-trop comment on pourrait vous en débarrasser : mais, quant à la cage, je vous assure que vous en trouverez une fort agréable à Inverrary, et même dans la charmante île de Roseneath, où nous nous rendons d’abord.
– Dans une île ! s’écria Jeanie, qui, dans tous ses voyages, n’avait jamais quitté la terre ferme ; est-ce qu’il faudra que j’aille dans une de ces barques que je vois là-bas ? elles semblent si petites, et les vagues si agitées !
– Bien certainement, s’écria mistress Dutton, je n’y entrerai point. Je ne me suis point engagée pour quitter le pays, ni pour faire des voyages par mer. Vous n’avez qu’à dire aux postillons de prendre une autre route, et de nous y conduire par terre.
– Nous allons trouver à deux pas, dit Archibald, une excellente pinasse appartenante à Sa Grâce, et vous n’avez aucune crainte à concevoir.
– Mais j’ai des craintes, M. Archibald ; j’en ai de très-grandes, et j’insiste pour que nous allions par terre, dussions-nous faire dix milles de plus.
– Je suis fâché de ne pouvoir vous obliger, mistress Dut-ton ; mais, comme je vous l’ai dit, Roseneath est une île.
– Et que m’importe ? quand ce seraient dix îles, je vous dis que je veux y aller par terre. Parce que c’est une île, ce n’est pas une raison pour que je me fasse noyer.
– Ce n’est pas une raison pour que vous soyez noyée, répondit le valet de chambre avec le plus grand sang-froid, mais c’en est une excellente pour que vous ne puissiez y aller par terre.
En même temps il fit signe aux postillons de quitter la grande route, et d’avancer vers quelques cabanes de pêcheurs qu’on voyait sur le rivage, où était amarrée une chaloupe mieux décorée qu’aucune qu’ils eussent encore vue, et dont le pavillon déployait une tête de sanglier, surmontée d’une couronne ducale. Quelques mariniers montagnards étaient à bord, et semblaient les attendre.
La voiture s’arrêta, les postillons se mirent à dételer les chevaux, et Archibald ordonna aux mariniers de transporter le bagage à bord de la pinasse.
– La Caroline est-elle arrivée ? demanda-t-il à l’un d’eux.
– Elle est venue de Liverpool en cinq jours, répondit-il, et elle est maintenant à l’ancre à Greenock.
– Eh bien, dit Archibald aux postillons, vous allez conduire les chevaux et la voiture à Greenock, et vous les embarquerez sur la Caroline pour le château du duc à Inverrary. Vous logerez chez mon cousin Duncan Archibald. Allons, mesdames, ayez la bonté de descendre ; il faut profiter de la marée.
– Miss Deans, dit mistress Dutton, vous êtes bien la maîtresse de faire ce qu’il vous plaira ; mais, pour moi, je passerai toute la nuit dans la voiture, plutôt que d’aller dans cette coquille de noix peinte. L’ami ! l’ami ! que faites-vous là ? dit-elle à un Highlander qui se préparait à emporter une petite malle ; cette malle est à moi, de même que cette boîte et ce sac de nuit. Je vous défends d’y toucher. Osez y toucher !
Le Celte la regardait fixement. Quand elle eut cessé de parler, il se tourna vers Archibald, et, à un signe de celui-ci il chargea la malle sur son épaule, mit la petite boîte sous son bras, prit le sac de nuit par la corde qui le fermait ; et, sans s’embarrasser des cris de mistress Dutton, partit avec tout son bagage, et le porta tranquillement sur la pinasse.
Tout le bagage étant placé, M. Archibald donna la main à Jeanie pour l’aider à descendre de voiture, et ce ne fut pas sans un léger battement de cœur qu’elle se vit transporter par deux matelots qui étaient dans l’eau jusqu’à la ceinture, à quelques pas du rivage dont la chaloupe ne pouvait approcher davantage. Quand Archibald la vit à bord, il revint à la voiture pour faire la même politesse à mistress Dutton ; mais celle-ci refusa opiniâtrement d’en sortir, menaçant tous ceux qui avaient directement ou indirectement pris part à l’enlèvement de ses effets, d’une poursuite judiciaire en dépens,
Weitere Kostenlose Bücher