La Prison d'Édimbourg
qu’on apercevait en partie des fenêtres de la maison ; le reste de son cours était caché par de jolis bosquets. L’intérieur de l’habitation était moins agréable qu’il aurait pu l’être, parce que le dernier titulaire l’avait considérablement négligé ; mais des ouvriers travaillaient en ce moment à l’embellir par ordre et aux frais du duc d’Argyle, sous l’inspection du capitaine Duncan. Sa Grâce y avait même envoyé de nouveaux meubles par un brick qui lui appartenait, et qu’il avait nommé la Caroline, d’après le nom de sa fille aînée. Il s’en fallait de peu que la maison ne fût prête à recevoir ses nouveaux maîtres.
Duncan prétendit pourtant que les ouvriers n’avaient pas fait tout ce qu’ils auraient dû faire, et ayant appelé devant lui les délinquans, il leur annonça d’un air d’autorité qui n’admettait pas de réplique, le châtiment que méritait leur négligence : c’était tout au moins une amende de la moitié de leur journée ; encore voulait-il être damné s’il leur payait l’autre moitié, et ils iraient chercher justice où ils voudraient. Les pauvres gens implorèrent humblement l’indulgence du capitaine. Enfin Butler lui fit observer que c’était presque un jour de fête, et que les ouvriers comptaient sans doute aller à l’église pour assister à l’ordination. – Duncan consentit à leur pardonner pour cette fois, par égard pour le nouveau ministre.
– Mais si jamais je les prends à négliger leurs devoirs, s’écria-t-il, je veux que le diable m’emporte si je leur fais grâce, et il n’y aura pas d’église qui tienne. Qu’est-ce que ces gens-là ont à faire à l’église ? Le dimanche, à la bonne heure, encore pourvu que ni le duc ni moi n’ayons pas besoin d’eux ailleurs.
Il n’est pas nécessaire de dire avec quel sentiment de douce satisfaction Butler jouit de la perspective de passer ses jours dans cette vallée tranquille, chéri et honoré de ses paroissiens comme il espérait l’être, et combien de regards d’intelligence furent échangés entre lui et Jeanie, dont les traits, animés par le plaisir secret qu’elle trouvait à examiner les appartemens où elle devait bientôt être la maîtresse, auraient pu en ce moment paraître doués de beauté. Elle fut plus libre de se livrer au sentiment secret de son cœur quand la compagnie, ayant quitté la manse, se fut rendue à l’habitation destinée à David Deans.
Jeanie vit avec plaisir qu’elle n’était située qu’à une portée de fusil de la manse, car elle se serait trouvée bien moins heureuse, si elle avait été obligée de demeurer loin de son père, et elle savait qu’il y avait de grands inconvéniens à ce que Butler et lui habitassent la même maison. En un mot, la distance qui les séparait était précisément tout ce qu’elle aurait pu souhaiter.
Rien ne manquait à cette ferme de tout ce qui pouvait être commode et agréable, tant pour le logement du fermier que pour l’exploitation des terres. C’était bien autre chose que tout ce qu’elle avait vu à Woodend et à Saint-Léonard : un joli jardin, un grand verger, la basse-cour la plus complète ; tout lui plaisait dans cette habitation. Elle était située à mi-côte, et dominait sur la vallée où était la manse, qu’on apercevait de la ferme, ainsi que le petit ruisseau qui circulait dans les environs. En face on voyait l’île de Roseneath, qui n’était séparée de l’Écosse de ce côté que par un bras de mer fort étroit ; la vue était bornée à gauche par les montagnes de Dumbarton, habitées autrefois par le clan belliqueux des Mac-Farlane, à droite par les monts sourcilleux du comté d’Argyle, et plus loin par les pics foudroyés de l’île d’Arran.
Toutes ces beautés pittoresques ne firent pourtant pas autant de plaisir à Jeanie que la vue de la vieille May Hettly, qui vint la recevoir à la porte, revêtue de sa robe brune des dimanches, et de son tablier bleu proprement arrangé par-devant pour la ménager. La bonne vieille ne montra pas moins de joie en revoyant sa jeune maîtresse, et elle se hâta de l’assurer que pendant son absence elle avait pris tout le soin possible de son père et des bêtes. Elle ne manqua pas de la tirer à l’écart, et la conduisit sur-le-champ dans la basse-cour, afin de recevoir d’elle les complimens qu’elle se flattait de mériter sur le bon ordre qui régnait. Elle ne fut pas trompée
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