La Prison d'Édimbourg
dans son attente ; Jeanie la félicita, et se réjouit dans la simplicité de son cœur de retrouver Gowan et ses autres favorites, qui semblaient la reconnaître et recevoir avec plaisir ses caresses.
– Ces pauvres bêtes sont bien aises de vous revoir, dit la vieille May, et cela n’est pas surprenant, Jeanie, car vous avez toujours été bonne pour les bêtes et pour les gens. Mais il faut que je m’habitue à vous appeler mistress, ajouta-t-elle d’un air malin, et je ne crois pas que ce soit le nom de Deans qu’il faudra ajouter à celui de Jeanie.
– Appelez-moi toujours Jeanie, votre Jeanie, ma bonne May, et vous ne risquerez pas de vous tromper, répondit-elle.
Dans un coin de l’étable était une génisse blanche que Jeanie regardait les larmes aux yeux. – Pour celle-là, dit May, c’est toujours votre père qui en prend soin lui-même, et vous vous doutez bien pourquoi. Que le cœur d’un père est une singulière chose ! Je suis sûr qu’il fait plus de prières pour la pauvre fille que pour vous-même. Et au vrai qu’avez-vous besoin de prières ? Ah ! si la pauvre enfant prodigue revenait au bercail, comme il tuerait volontiers le veau gras ! Et cependant le veau de la brune ne sera bon à tuer que dans trois semaines.
Après avoir examiné toute la basse-cour, Jeanie alla retrouver le reste de la compagnie, qui examinait l’intérieur de la maison. Il n’y manquait que Deans et Butler, qui étaient allés à l’église rejoindre les ministres et les anciens déjà rassemblés.
Cette habitation avait été construite et meublée tout récemment, par ordre du duc, pour un vieux serviteur favori à qui la mort n’avait permis d’en jouir que quelques mois, et il y avait fait ajouter alors tous les bâtimens nécessaires pour en faire une ferme.
Dans la chambre à coucher de Jeanie se trouvait une caisse qui avait excité toute la curiosité de mistress Dutton, car elle était bien sûre que l’adresse, à miss Jeanie Deans, à Auchingower, paroisse de Knocktarlity, était de l’écriture de mistress Semple, femme de chambre de la duchesse. May remit alors à Jeanie un paquet cacheté qui était aussi à son adresse, et dans lequel se trouvait la clef de la caisse avec un billet portant que ce qui y était contenu était une marque de souvenir pour Jeanie Deans de la part de ses amies la duchesse d’Argyle et ses demoiselles.
Le lecteur ne peut douter que la caisse ne fut bientôt ouverte. Elle était remplie de linge et de vêtemens de la meilleure qualité, et néanmoins convenables à la condition de Jeanie dans le monde ; chaque article portait le nom de la personne qui en faisait présent, comme pour faire sentir à celle à qui on l’offrait qu’elle avait inspiré un intérêt particulier à chacun des membres de cette digne famille. Je n’essaierai pas de donner le nom de tous les objets qui s’y trouvaient, parce que la plupart ne seraient pas reconnus aujourd’hui dans le vocabulaire des marchandes de modes ; mais si quelques uns de mes lecteurs désirent plus de renseignemens à ce sujet, je les préviens que j’ai déposé un inventaire complet de tout le contenu de la caisse entre les mains de ma digne amie miss Marthe Buskbody, qui se fera un plaisir de le leur communiquer, en y ajoutant ses commentaires. Je me contenterai de dire ici que le présent était digne de celles qui l’offraient, et qu’on n’y avait rien oublié de ce qui pouvait être utile à la garde-robe d’une jeune villageoise qui allait devenir l’épouse d’un ministre respectable.
Tout fut déployé, examiné, admiré. La bonne May ne pouvait revenir de son étonnement, et demandait si la reine avait de plus beaux habits et en plus grand nombre. La laitière anglaise ne put voir toutes ces belles choses sans un peu d’envie, et ce sentiment peu aimable, mais assez commun, se manifesta par la critique qu’elle fit, sans goût comme sans fondement, de divers articles, à mesure qu’on les lui montrait. Mais ce fut bien une autre chose quand, au fond de la caisse, on trouva une robe de soie blanche, fort simple, mais de soie, et de soie française, sur laquelle un petit billet était attaché avec une épingle portant que c’était un présent du duc d’Argyle à sa compagne de voyage, pour être porté le jour où elle changerait de nom.
Mistress Dutton ne put résister à un tel coup, et se penchant à l’oreille de M. Archibald : – C’est une bonne chose que
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