La Prison d'Édimbourg
Fleming ! » C’était un de ces papiers dont Archibald avait acheté toute la collection à Longtown, et que mistress Dutton avait sauvé du feu par économie ; le hasard avait voulu qu’elle se fût servie de quelques unes de ces feuilles pour envelopper les fromages qu’elle avait envoyés la veille à la manse de Knocktarlity.
Le titre de ce papier, qu’Archibald avait désiré soustraire aux yeux de Jeanie pour ménager sa sensibilité, suffit seul pour la faire tressaillir ; mais la narration lui en parut si intéressante, qu’elle se débarrassa de ses enfans, et courut s’enfermer dans sa chambre pour en faire la lecture sans interruption.
Cette pièce paraissait écrite, ou du moins corrigée, par le ministre qui avait assisté Meg Murdockson dans ses derniers momens, et qui avait aussi donné les consolations de la religion à sa fille au lit de la mort. On y disait que le crime pour lequel elle avait été condamnée à mort était la part active qu’elle avait prise à un vol et à un meurtre commis quelque temps auparavant, et pour lequel Frank Levitt devait aussi être mis en jugement aux assises de Lancastre. Elle avait été condamnée sur le témoignage d’un de ses complices, Thomas Turck, vulgairement nommé Tyburn Tom, et il était probable que sa déposition ne serait pas moins funeste à Frank, quoique, d’après Meg Murdockson, ce fût Turck lui-même qui eût porté le coup fatal.
Le détail circonstancié du crime pour lequel elle avait été condamnée était suivi d’un abrégé de sa vie, tel qu’elle l’avait donné elle-même au révérend M. Fleming. Elle était née en Écosse ; épouse d’un soldat du régiment Cameronien, et adoptant le métier de vivandière, elle avait sans doute pris à la suite des camps l’amour du pillage et la férocité qu’elle avait toujours montrée depuis ce temps. Son mari, ayant obtenu son congé, était entré au service d’un dignitaire ecclésiastique du comté de Lincoln, dont elle avait nourri le fils. Elle avait ensuite été chassée de cette famille et du village qu’elle habitait, pour avoir souffert un commerce illicite entre sa fille et le fils de ce dignitaire, et parce qu’on la soupçonnait d’avoir fait périr l’enfant qui en était provenu, afin de cacher la honte de sa fille. Depuis ce temps, elle avait mené une vie errante en Angleterre et en Écosse, tantôt faisant le métier de dire la bonne aventure, tantôt celui de revendre des marchandises de contrebande, mais, dans le fait, recelant des objets volés, et souvent complice elle-même des exploits par lesquels ils étaient obtenus. Il y avait plusieurs de ses crimes dont elle se vantait sans remords, et elle semblait surtout éprouver un mélange de satisfaction triomphante et de regret passager pour une certaine circonstance : lorsqu’elle demeurait dans un faubourg d’Édimbourg, une fille de village, qui avait été séduite par un des confédérés de Meg Murdockson, était venue faire ses couches chez elle, et avait mis au monde un enfant mâle. Sa fille, dont le cerveau était dérangé depuis la perte du sien, suivant la déclaration de la criminelle, avait emporté l’enfant de la pauvre mère, le prenant pour le sien dont elle ne pouvait pas quelquefois se persuader la mort.
Marguerite Murdockson ajouta que pendant quelque temps elle avait cru que sa fille avait détruit l’enfant dans un accès de sa démence, et qu’elle l’avait donné à entendre à son père, mais qu’elle savait depuis qu’il avait été vendu à une femme courant le pays. Elle témoignait quelques remords d’avoir séparé la mère de l’enfant, surtout parce que la mère avait failli être condamnée d’après la loi d’Écosse, pour un infanticide supposé. Mais quel intérêt avait-elle à exposer l’infortunée à une condamnation qu’elle n’avait pas méritée ? À cette question, elle répondit en demandant elle-même si l’on croyait qu’elle irait perdre sa fille pour en sauver une autre. Elle ne savait pas ce que lui ferait la loi d’Écosse pour avoir fait disparaître l’enfant. Cette réponse n’était nullement satisfaisante, et l’ecclésiastique parvint à reconnaître, en l’interrogeant, qu’elle gardait une vive soif de vengeance contre la jeune fille qu’elle avait si maltraitée. Le même papier disait que tout ce qu’elle avait dit de plus avait été confié par elle secrètement à l’archidiacre, qui s’était
Weitere Kostenlose Bücher