La Prison d'Édimbourg
donné tant de peine pour lui administrer des consolations spirituelles. Le papier relatait enfin qu’après son exécution, dont on n’oubliait pas les détails, la folle, qui a été souvent mentionnée et connue sous le nom de Madge Wildfire, avait été tourmentée par la populace prétendant qu’elle était sorcière, et n’avait été sauvée que par la prompte intervention de la police.
Sauf les réflexions morales, et tout ce qui ne peut être utile à notre histoire, telle était la teneur de la relation que mistress Butler avait sous les yeux. C’était pour elle un objet très important, car elle offrait la preuve la moins équivoque que sa sœur était innocente du crime dont elle avait été accusée, et qui avait été sur le point de lui coûter la vie. Il est vrai que ni elle, ni son mari, ni son père, ne l’avaient jamais crue capable d’avoir attenté aux jours de son enfant ; mais ils ne pouvaient faire passer leur conviction dans l’esprit des autres, et les ténèbres qui enveloppaient cette affaire rendaient aux yeux du monde l’innocence d’Effie au moins très problématique. Aujourd’hui elle devenait évidente d’après les aveux de la coupable même, et les renseignemens donnés par Madge pouvaient en outre être un fil qui conduisît à la découverte de l’enfant.
Après avoir remercié Dieu de cet événement inattendu, Jeanie se mit à réfléchir sur ce qu’elle devait faire. Son premier mouvement fut d’en parler à son mari, mais il était absent ; et d’ailleurs, par suite de cette confidence, elle pouvait se trouver obligée de lui découvrir le secret de Georges Staunton. Elle jugea donc que le meilleur parti qu’elle pût prendre était d’envoyer sur-le-champ cette pièce à sa sœur, afin qu’elle la communiquât à son mari, et qu’ils vissent ensemble l’usage qu’ils en pourraient faire. En conséquence, elle la mit à l’ordinaire sous enveloppe à l’adresse du révérend M. Whiterose, à York, et l’envoya à Glascow par un exprès. Elle attendait une réponse avec impatience ; mais le temps nécessaire pour la recevoir se passa sans qu’il en arrivât, et elle ne savait à quelle cause attribuer le silence de lady Staunton. Elle commença à regretter d’avoir confié à la poste une pièce si importante pour établir l’innocence de sa sœur, et elle se reprocha presque de n’avoir pas écrit à son mari pour le consulter sur ce qu’elle devait faire en cette occasion : elle pensait même à lui faire part de ce qui s’était passé, et à lui demander ses conseils, quand d’autres évènemens rendirent cette démarche inutile.
Jeanie (c’est notre favorite, et nous lui demandons excuse de la nommer quelquefois si familièrement) se promenait un matin avec ses enfans, après avoir déjeuné, sur le bord de la mer ; tout-à-coup David, son fils aîné, s’écria : – Maman, voilà le carrosse à six chevaux du capitaine qui arrive avec des dames. Elle porta les yeux du côté de la mer, et vit effectivement la grande barque de Knockdunder qui avançait vers le rivage ; deux dames étaient assises à la poupe derrière Duncan, qui remplissait les fonctions de pilote. La politesse exigeait qu’elle se rendît au lieu ordinaire du débarquement, d’autant plus qu’elle voyait que le capitaine était sur la cérémonie. Son joueur de cornemuse, assis à la poupe, faisait entendre une mélodie qui paraissait d’autant plus agréable que dans le bruit du vent et des vagues se perdait la moitié des sons. Duncan avait mis lui-même sa perruque nouvellement frisée, sa toque (car il avait abjuré le chapeau à retroussis) décorée de la croix rouge de Saint-Georges, et son uniforme de capitaine de milice ; enfin il avait arboré le pavillon à tête de sanglier du duc d’Argyle : tout indiquait donc ses projets de représentation et de gala.
En approchant du lieu du débarquement, mistress Butler vit le capitaine offrir la main aux dames d’un air respectueux pour les aider à descendre à terre, et toute la compagnie s’avança vers elle, Duncan quelques pas en avant, et l’une des dames appuyée sur le bras de l’autre, qui paraissait sa femme de chambre.
Dès qu’ils furent près d’elle, Duncan lui dit d’un ton d’importance : – Mistress Butler, permettez-moi de vous présenter lady… Eh !… pardon, milady, mais j’ai oublié votre nom.
– N’importe, monsieur, dit la dame. Je me flatte que mistress
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