La Prison d'Édimbourg
d’Angleterre.
La ceinture de l’ex-troupier, pour me servir de l’expression d’Horace, était assez pesante pour lui fournir les moyens d’acquérir une petite propriété, et il acheta une maison et quelques pièces de terre qui portent encore le nom de Bersheba, à environ un mille de Dalkeith, où il s’établit avec une compagne choisie parmi les jeunes filles du village, qui, désirant former dans ce monde un établissement confortable, se réconcilia avec les mœurs un peu rudes, le caractère sérieux et la figure hâlée du guerrier enthousiaste. Étienne ne survécut pas long-temps au – malheur de tomber dans les mauvais-jours, et d’être livré à ces langues mauvaises – dont Milton se plaignait si amèrement dans la même situation : il laissa à la jeune veuve un fils de trois ans, dont l’air, les traits et la tournure faisaient honneur à sa mère, en le proclamant le digne rejeton de Bible Butler.
Les principes du défunt ne s’étaient propagés ni dans sa famille ni parmi ses voisins ; l’air de l’Écosse n’était pas favorable à l’indépendance, quoiqu’il le fût au fanatisme ; mais ils n’étaient pas oubliés. Un laird du voisinage, qui se vantait de ses principes de loyalisme, quoiqu’il n’en eût jamais donné d’autre preuve, que je sache, que de s’exposer à se faire casser la tête à coups de poing dans quelques querelles, quand il était échauffé par le vin et le cavaliérisme, avait trouvé à propos de ramasser toutes les accusations qu’on pouvait porter contre les principes religieux et politiques du défunt, et il fit prononcer tant d’amendes contre la malheureuse veuve, comme étant non-conformiste, et par tous les autres prétextes qu’on trouvait si aisément à cette époque, qu’il s’appropria enfin tout ce qu’elle possédait. Il eut pourtant alors assez de remords et de modération pour lui permettre d’habiter la maison et de cultiver les champs de son mari, à la charge de lui en payer une redevance à des termes assez raisonnables. Son fils Benjamin grandit, et, s’étant marié, eut un fils nommé Reuben, qui est celui que nous avons vu figurer dans le chapitre précédent, et qui vint partager et augmenter la pauvreté de Bersheba.
Le laird de Dumbiedikes avait jusqu’alors été modéré dans ses exactions, peut être parce qu’il aurait eu honte de taxer trop haut les faibles moyens d’existence qui restaient à la veuve Butler. Mais quand il vit ses travaux partagés par un gaillard actif et vigoureux, Dumbiedikes commença à penser qu’une paire de si larges épaules pourrait porter un fardeau additionnel. Il réglait en effet la conduite de ses vassaux (heureusement ils étaient en petit nombre) d’après le principe des voituriers qu’il voyait charger leurs charrettes à une mine de charbon voisine ; ces gens-là ne manquaient jamais d’ajouter quelques quintaux à la charge ordinaire, dès qu’ils avaient, par un moyen ou un autre, acquis un nouveau cheval plus fort que celui qu’ils avaient crevé la veille. Quelque raisonnable que parût cette méthode au laird de Dumbiedikes, il aurait dû observer qu’elle mène souvent à la perte du cheval, de la voiture et de la charge. C’est ce qu’il éprouva quand il augmenta la redevance de sa ferme. Benjamin Butler était un homme de peu de paroles et de peu d’idées, mais attaché au sol de Bersheba, à peu près comme le sont certains végétaux aux lieux où on les transplante. Loin de faire aucune remontrance au laird ou de chercher à éluder ses demandes, il travailla nuit et jour pour le satisfaire, et mourut d’une maladie occasionée par la fatigue et l’épuisement : sa femme le suivit de près au tombeau, et Reuben Butler, en 1705, se trouva, comme l’avait été son père, et au même âge que lui, orphelin et confié aux soins de son aïeule, la veuve de l’ancien troupier de Monk.
La même perspective de misère menaçait un autre fermier de ce seigneur à cœur dur. C’était un déterminé presbytérien nommé Deans, qui, quoiqu’en mauvaise odeur auprès du laird par ses principes religieux et politiques, se maintenait dans le domaine par sa régularité à payer le fermage, redevances en nature, arrérages, transport, mouture sèche, priviléges, service et dons de coutume, et autres exactions aujourd’hui converties en argent et comprises dans le mot emphatique de RENTES. Mais les années 1700 et 1701, accompagnées d’une
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