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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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que la plus charmante des épouses !
    — Où sont mes fils ? demanda François benoîtement.
    — Le dauphin et monseigneur Henri étaient fort las, sire. Ils sont allés se coucher il y a deux bonnes heures déjà.
    — Qu’on les prévienne de mon arrivée ! Je ne veux pas différer la joie de les serrer, libres, dans mes bras !
    — Puis-je suggérer à Votre Majesté de me suivre jusqu’à leur chambre ?
    Ainsi François réveilla-t-il lui-même ses deux fils, par des baisers paternels auxquels ils n’étaient plus habitués.
    — Sire, dit le dauphin, plus vite tiré du sommeil, nous avons laissé devant... derrière nous ces méchants Espagnols. Je n’en veux plus voir un seul de ma vie !
    Le père, tout ému, éclata de rire.
    — Et que faites-vous de la reine ? demanda-t-il.
    — Pour Mme Éléonore, c’est... c’est différent, estima François. Elle s’est montrée très douce et très...
    Le jeune prince peinait visiblement à s’exprimer en français, et quoique son frère en eût conservé l’usage plus fluide, il se garda de voler à son secours. À la mine renfrognée d’Henri, on aurait pu croire que cette libération et ces retrouvailles ne lui faisaient aucun plaisir.
    — Je vous trouve bien chagrin, ne put s’empêcher de lui faire observer le roi.
    — Sire, répondit-il, je suis las, il est tard.
    Alors seulement, François se sentit honteux de les avoir réveillés ; il se retira pour les laisser dormir.

    Quand le roi se présenta chez sa nouvelle épouse – elle ne l’était encore que par procuration – il eut en revanche la satisfaction de la trouver dispose et bien éveillée. Ses duègnes, prévenues de la visite nocturne du monarque, avaient eu le temps de lui passer une somptueuse robe d’intérieur, de satin sombre constellé de perles, et une coiffe à la portugaise, elle aussi rehaussée de quelques perles très grosses.
    La reine Éléonore fit une révérence profonde, à laquelle son époux, tant attendu, répondit de la même façon. Mais il ne s’en tint pas à ces solennités ; et bientôt François la prit dans ses bras et lui couvrit le visage de baisers tout à fait dignes d’un parfait amoureux.
    — Sire, gloussa Éléonore, vous me gênez beaucoup.
    — Telle n’était point mon intention, madame.
    François se fit raconter par le menu tous les détails d’une si longue et pénible transaction. Les mules dans la barque, la peur d’un coup de force, l’insolence du prince Henri, l’altercation de sa femme avec le connétable de Castille... Pas un détail qu’il ne se fît conter et qu’il ne commentât avec feu.
    — Ce duc de Frias n’est qu’un fat, trancha-t-il. Et je m’étonne que l’empereur, votre frère...
    La reine posa sa main sur le bras du roi.
    — Sire, le coupa-t-elle avec un bon sourire, je me suis juré depuis Madrid de ne jamais dire un mot de l’empereur devant vous, comme je me suis, du reste, toujours interdit de parler de vous devant lui.
    — Je vous comprends, pardonnez mon emportement.
    — Au contraire, c’est votre flamme, votre vigueur qui me transportent...
    Le roi observa son épouse : son visage, en dépit de la lippe Habsbourg, n’était pas désagréable ; sa taille était belle, ses mains charmantes. Il se demanda ce que tant de langues malveillantes pouvaient trouver à reprocher, vraiment, à cette femme.
    — Vous devez être bien fatiguée, lui dit-il avec un accent de tendresse. Reposez-vous quelques heures, si vous le voulez.
    Le roi marqua une pause, puis il ajouta des mots qu’elle attendait sûrement.
    — Vous aurez besoin, demain, de toutes vos forces...
    La reine rougit. Elle aurait volontiers répliqué qu’elle s’était longtemps économisée. Mais elle n’osa pas.

    Le lendemain matin, dès six heures, François et Éléonore se tenaient côte à côte, dans le chœur de l’abbatiale, sous le regard bienveillant de Mgr Jean Le Veneur. L’évêque de Lisieux avait reçu la récompense de sa dénonciation d’août 1524 : il était à présent grand aumônier de France.
    Hormis les témoins, dont Brion et le cardinal de Lorraine, très peu de privilégiés assistèrent à ce mariage – le plus discret, assurément, le plus privé de la chronique royale de France. Du reste, ni le roi, ni la nouvelle reine ne semblaient tenir en place ; ils n’écoutaient pas l’officiant, manquaient des réponses, déclamaient à côté, tant ils étaient impatients de consommer leur

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