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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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de la célébrer dans leur domaine du Vexin. La fête, chaleureuse, compta au moins un convive de marque, puisque le roi lui-même avait accepté l’invitation de son grand sénéchal. Il est vrai que depuis le retour d’Espagne du souverain, et son installation à Paris, le couple n’avait cessé de lui faire une cour assidue. Le nouveau lieutenant général avait passé, en outre, le début de l’année à recueillir, dans toute la Normandie, des fonds visant à grossir la rançon des princes. Si bien que, levant sur la province des écus d’or par centaines de livres, il s’était attiré, pour son zèle, les félicitations de la régente.
    Le roi aimait Anet, ne fût-ce que pour sa forêt giboyeuse. Il était venu en ami, pour quelques journées de chasse, et fut ravi de pouvoir jouir ainsi du bon air, d’une table excellente, d’une compagnie simple et raffinée. Certes, à soixante-dix ans passés, le maître de maison n’était plus un hôte très vert, ni très véloce... Mais sa charmante épouse – Diane n’avait pas trente ans – faisait allègrement oublier tout cela par une beauté intacte et la plus fine conversation du monde.
    — Je vous admire sincèrement, madame, lui dit François I er , un soir qu’ils s’étaient retrouvés seuls, un peu à l’écart, avant le souper.
    — Sire, je ne crois pas mériter tant d’honneur...
    — Vous avez l’air, parfois, d’une enfant.
    — C’est peut-être à force d’en fréquenter. D’ailleurs, si Votre Majesté daigne me suivre, je pourrais lui montrer un certain jeu qui divertit mes filles.
    Venant de toute autre, une telle invite aurait inspiré au roi quelque idée licencieuse – mais pas de Mme de Brézé. Ce qu’il aimait, justement, chez cette très belle femme, et qui le reposait peut-être de ses semblables, c’était l’espèce de distance qu’elle savait mettre entre les hommes et sa personne – une distance toute symbolique et qui, de manière paradoxale, donnait le sentiment de pouvoir l’approcher de près sans la moindre équivoque.
    Diane conduisit le roi, dans le jour déclinant, jusqu’à un coin de pelouse où retentissait le chant grêle et roulant d’un grillon. François fronça les sourcils. La grande sénéchale, de ses doigts longs et délicats, cassa une herbe sèche, l’égalisa sur la longueur et décelant sans mal un petit trou dans le sable, l’y introduisit avec douceur. La chanson du grillon cessa ; puis François vit l’insecte grimper le long de la tige, jusqu’à la main de Diane, qui l’emprisonna.
    — Attendez, dit-elle.
    Avec les gestes patauds d’une fillette, elle glissa le grillon dans une boîte dont le roi se demanda d’où cette magicienne l’avait tirée. Le chant retentit à nouveau ; Diane en fit don à son maître.
    — Ne fermez pas tout à fait la boîte, dit-elle ; il mourrait.
    — Avec votre permission, répondit le monarque, j’aimerais le libérer tout de suite.
    — Vous avez peut-être raison, l’on chante mal en prison.
    — Il sera mieux chez lui.
    Le roi s’accroupit près du trou dans le sable ; il prit l’insecte dans ses mains et prétendit le restituer à son milieu. Mais le grillon, pressé, ne cessait de remonter le long de ses mains, de ses manches...
    Diane tenta d’aider le roi. Elle riait de bon cœur et poussait de petits cris d’enfant. François aussi riait. À gorge déployée. Bientôt il réalisa même qu’il n’avait pas si bien ri depuis Pavie.

    Le matin du départ du roi, Diane de Brézé se trouvait devant sa toilette 1 , jaugeant, dans un miroir de Venise, l’effet de diverses parures sur sa gorge d’albâtre, quand soudain, de surprise, elle laissa tomber au sol un joyau de prix. Aussitôt la femme de chambre s’agenouilla pour le ramasser ; mais dès qu’elle-même eut aperçu la cause de tant d’étonnement, son sang ne fit qu’un tour et, s’excusant, elle disparut prestement.
    Jean de Saint-Vallier, l’ancien condamné, gracié, détenu, évadé, pardonné, réhabilité à la faveur du traité de Cambrai, le père impossible en un mot, venait de s’encadrer dans le miroir.
    Diane demeura un moment interdite ; puis, reprenant ses esprits, elle se leva et s’en vint embrasser son père. Ils furent un moment dans les bras l’un de l’autre.
    — Ma petite fille, répétait le père. Ma petite, petite fille !
    Diane, elle, ne disait mot, partagée qu’elle était entre une émotion profonde et la colère

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