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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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l’écart des joutes violentes, les anciens otages n’étaient pas moins partie prenante aux jeux de bague et de quintaine. C’était leur premier tournoi ; ils arboraient fièrement des tenues somptueuses, couronnées de panaches.
    — Hommage des chevaliers à leur dame ! ordonna le maréchal de lice.
    Le dauphin avait la préséance. Il envoya son valet d’armes incliner, sans surprise, sa lance ornée de lys devant la nouvelle reine, sa belle-mère. Des hourras s’envolèrent de la foule, tandis que, déjà, le duc d’Orléans donnait ses instructions à son propre valet. S’avançant à son tour vers la tribune des dames, le garçon s’approcha de l’endroit où paradait la favorite. Anne d’Heilly sourit largement ; elle s’apprêtait à se lever pour décocher au jeune prince un baiser volant. Seulement la lance du valet, contre toute attente, vint s’incliner, non devant la favorite, mais aux pieds de la grande sénéchale qui, vaguement étonnée d’un si redoutable hommage, n’en sourit pas moins galamment.
    Une rumeur de surprise parcourut la foule, relayée dans la tribune par une certaine agitation. Diane de Brézé se leva sans se troubler ; du geste le plus gracieux, elle remercia le nouveau chevalier de défendre aussi publiquement ses couleurs.
    — C’est insensé, rit en sourdine Anne d’Heilly. Ce choix est tout à fait singulier...
    Les regards qu’elle lançait en direction de la grande sénéchale étaient incendiaires ; jamais elle n’avait admis, au demeurant, cet air de connivence et d’amitié que prenait le roi lui-même, chaque fois qu’il s’adressait à Mme de Brézé... La favorite se pencha vers sa voisine.
    — Savez-vous bien, demanda-t-elle assez fort pour qu’on l’entendît, qu’elle s’est mariée l’année même de ma naissance ?

    Le roi François s’était fait la réputation du plus galant homme de son royaume. Afin de rattraper ce qui eût pu passer pour un impair – et de s’épargner peut-être une aigre mise au point – il lança l’idée, classique en ce genre de tournois, d’un petit concours de dames. Il s’agissait, pour les gentilshommes prenant part aux joutes, de désigner, à bulletin secret, le plus bel ornement de la tribune. Le résultat du vote ne faisait guère de doute...
    Du reste, Anne d’Heilly savourait la revanche qu’un tel suffrage allait lui offrir sur l’encombrante Diane de Brézé. D’une main discrète, elle caressait déjà la fleur qu’elle ôterait de sa coiffure pour la jeter au roi, sous les acclamations... Le héraut d’armes s’avança, et le silence se fit. Tous les regards étaient posés sur la favorite.
    — Les chevaliers ont élu, proclama le héraut, mademoiselle Anne de Pisseleu d’Heilly...
    Anne sourit largement.
    — ... à égalité avec madame la grande sénéchale.
    Le sourire vira à la grimace.
    La favorite accueillit ce résultat comme le plus cuisant des affronts publics. Incapable de surmonter son dépit, elle partit d’un rire tonitruant, malsain ; puis, se frayant un passage parmi les dames interloquées, elle quitta la tribune en fustigeant hautement les « fous » – elle employa plusieurs fois le terme – qui avaient pu donner leur voix à cette « vieille », ce qui n’était guère aimable pour nombre de dames présentes.
    À compter de ce jour, Mme d’Heilly voua toute sa haine à Mme de Brézé, qui le lui rendit bien. La guerre des dames était déclarée ; elle allait durer plus de quinze ans.
    De Fontainebleau à Grez-sur-Loing, septembre 1531.
    I l y eut d’abord cette jeune femme qui s’était alitée sans crainte, victime de simples maux de tête. Quand elle mourut, quelques jours plus tard, ses voisines réunies pour la toilette décelèrent sur elle, horrifiées, une sorte de bubon près de l’aine... Des charbons similaires, à peu de chose près, furent relevés, au même moment, sur deux vagabonds apparemment morts de faim. Des taches, comme des lentilles, couvraient leurs corps... Quand un nouveau cas se déclara en la personne d’un garçon d’écurie, la rumeur commença de s’étendre et d’enfler, prenant d’assaut le bourg de Fontainebleau ; puis elle s’insinua – très vite – par les communs et les cuisines vers les couloirs du château, ses galeries et, de là, jusqu’aux antichambres et cabinets marquetés.
    La peste venait de reparaître.
    Aussitôt la peur s’installa. Dans l’entourage de la régente, la

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