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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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irrépressible qu’elle éprouvait toujours envers son géniteur. Elle se dégagea de son étreinte et, d’un œil sans complaisance, le détailla rapidement : il avait vieilli, s’était un peu fané ; mais il était toujours bel homme.
    — Pardonnez la tenue, dit-il. C’est celle d’un fugitif.
    — Je vous croyais un homme libre...
    — Libre mais pauvre. Si pauvre !
    — Je vous pensais réintégré dans tous vos biens...
    — La procédure est longue. Ah ! ma petite fille, que de malheurs !
    La grande sénéchale avait eu le temps de reprendre ses esprits.
    — Comment êtes-vous entré ? lui demanda-t-elle. Quelqu’un vous a-t-il vu ?
    — J’ai croisé plusieurs archers dans la cour et dans l’escalier. Vous êtes si bien gardés !
    — C’est que le roi se trouve en ce moment sous notre toit, expliqua Diane d’un ton courroucé. Vous n’avez pas choisi votre jour...
    — Au contraire ! Je suis venu, justement aujourd’hui, pour que mon gendre m’aide à solliciter une audience de Sa Majesté.
    — Quoi !
    La jeune femme n’en croyait pas ses oreilles. Jusqu’où, se demandait-elle, et surtout jusqu’à quand, ce diable d’homme reviendrait-il les persécuter ?
    — Vous ne comptez tout de même pas...
    — Et notre pacte ? demanda Saint-Vallier. Que faites-vous de notre pacte ?
    — Vous n’êtes qu’un inconscient, gronda Diane en sourdine, incendiant son père du regard. Songez-vous bien aux risques énormes que vous nous faites prendre ?
    — Mais puisque j’ai été blanchi...
    On grattait à la porte. Diane devint tout à coup livide.
    — Qui est-ce ?
    — C’est moi, dit son mari. Sa Majesté s’en vient prendre congé...
    Diane resta un instant bouche bée. Affolée, elle attrapa son père par le bras et, avant qu’il eût réagi, le poussa violemment dans un coffre dont elle referma sur lui le couvercle. Puis, se rajustant, le souffle court, elle vint elle-même ouvrir la porte de sa chambre. Louis de Brézé parut intrigué de la découvrir à ce point enflammée.
    — Tout va bien ? demanda-t-il.
    Elle n’eut pas le temps de répondre. Déjà François I er approchait en compagnie du grand maître. Il entra sur les pas de Brézé, prit la main droite de Diane dans les siennes et, s’inclinant bas, la baisa comme l’eût fait un simple gentilhomme.
    — Madame, dit-il, nous avons passé chez vous un moment idyllique, et vous y êtes pour beaucoup. Je disais ce matin au lieutenant général toute la chance qu’il avait de vous avoir pour femme ; il en a convenu.
    Louis de Brézé s’inclina. Montmorency approuva.
    — M. de Brézé est l’homme le plus chanceux que je connaisse.
    — Mais l’un des plus vieux, conclut le grand sénéchal en riant.
    L’air faussement dégagé, Diane jetait de furtifs coups d’œil en direction du grand coffre.
    — Sire, dit-elle en rassemblant le peu d’idées qu’il lui restait, recevoir ici Votre Majesté fut un très grand honneur.
    — Non, non, dénia François. Tout l’honneur fut pour nous. N’est pas, mon cousin ?
    Montmorency opina. Brézé gloussait de contentement.
    C’est alors que Diane, comme en un cauchemar éveillé, vit se soulever lentement le couvercle du coffre. Dans un sursaut, elle eut la présence d’esprit de se diriger vers la sortie et d’indiquer la porte à son visiteur royal.
    — Si Votre Majesté le permet, dit-elle, j’aimerais qu’avant de prendre la route, elle accepte de bénir mes filles, Françoise et Louise.
    — Évidemment ! dit le roi en lui emboîtant le pas.
    Et tous les quatre sortirent de la pièce avant que Saint-Vallier n’eût refait surface.
    Lorsque, une heure plus tard, Diane et son mari eurent pris congé du roi et de sa courte suite, la grande sénéchale se sentit saisie d’un tremblement irrépressible. Elle était comme ces marins qui, après avoir échappé à la noyade, éprouvent, en sécurité sur la grève, une peur tardive, mais d’autant plus forte.

    En vérité, au-delà de ses frayeurs, Diane avait éprouvé une joie véritable à revoir son père. Elle lui fit cependant ses adieux le jour-même, et se jura bien, en son for intérieur, que jamais elle ne le reverrait.
    Cet homme-là, dans son inconscience, pouvait se révéler bien trop dangereux.
    Sur la Bidassoa.
    R arement on avait vu, dans l’histoire du royaume, une telle mobilisation de toutes provinces, toutes villes, tous états et tous ordres confondus, afin de réunir les

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