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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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écuyer amoureux.
    Tour de Montbrison.
    U n souper, discret mais luxueux, avait été servi dans la salle basse du donjon de Montbrison – là même où le traité venait d’être signé. Un grand service en vermeil avait été apporté de Moulins pour la circonstance, et l’on avait soigné la cuisine. Si Jean de Saint-Vallier n’avait guère fait honneur au festin, il avait bu, en revanche, et confié aux délicieux vins de paille le soin de lui rendre un peu de cette légèreté qu’habituellement, on se plaisait à lui reconnaître.
    Quant à la nuit qui suivit le grand événement, elle lui avait paru longue, interminable même. Le gentilhomme, calé au creux de ses oreillers, s’était senti parcouru de frissons et de sueurs froides... Réalisant peu à peu toute la portée des accords passés la veille, il lui avait semblé qu’un univers s’écroulait, et que l’épisode dont il venait d’être témoin le portait loin de toute innocence, jusqu’à le rejeter dans un monde plus dur et plus froid. Non, jamais plus il ne reverrait les temps insouciants de sa jeunesse...
    Et tout cela, songeait-il, tout cela parce qu’il avait eu la guigne de tomber au mauvais endroit, au pire moment !
    Trahison . Ce mot s’imposait à lui dans son odieuse brutalité ; il se le répétait à l’infini, avec l’espérance illusoire d’en atténuer l’effet :
    — Trahison, trahison, nous sommes des traîtres, des traîtres, des traîtres...
    Le seul résultat de cet exercice d’apprivoisement du réel avait été de le lui rendre plus insupportable encore. Du coin de l’œil, Saint-Vallier avait fixé la courte flamme de la veilleuse en quête d’un réconfort ; mais il ne parvenait qu’à s’y brûler les yeux.
    Constamment, ses pensées l’avaient ramené vers ce royaume dont il serait bientôt coupé, vers cette Cour qui, désormais, par un affreux hasard, allait lui devenir étrangère, ennemie même. Il avait surtout songé à sa fille – sa Diane – et à ses petites-filles, et une douleur intense avait pris possession de sa poitrine et de sa gorge. Dans quelles difficultés sa présence à Montbrison n’allait-elle pas les précipiter toutes trois ? Comment mesurer, pour les siens, les conséquences de cet acte qu’il n’avait, en rien, ni voulu ni cherché ? Si la trahison réussissait, Diane y perdrait évidemment sa position ; mais en cas d’échec, elle n’échapperait pas non plus à la disgrâce dans laquelle toute la famille ne pouvait qu’être précipitée...
    Une idée, d’abord vague, avait fini par s’imposer au gentilhomme comme la seule vérité acceptable : il lui fallait tout tenter en vue d’empêcher une telle vilenie !
    Sautant d’un bond au bas du lit, Saint-Vallier, hagard, se mit à arpenter sa ruelle dans la semi-obscurité propice aux chimères. Aux grands maux les grands remèdes : il allait révéler à son gendre, le sénéchal, l’existence et la teneur du honteux traité.
    — À félon, félon et demi ! marmonna-t-il. Le roi de France est mon suzerain bien autant que le duc de Bourbon ; je lui dois cette franchise !
    Puis, dans la foulée, il prenait conscience de l’inanité d’un tel raisonnement : à qui ferait-il croire qu’il n’était pour rien dans la machination ? Du reste, n’avait-il pas juré de se taire ?
    À tout prendre, se disait-il, la meilleure attitude était peut-être de suivre Charles de Bourbon dans son aventure, et de s’en remettre, pour tout le reste, à la Providence et à ses impénétrables desseins... C’était la force des choses : le soutien conjugué de l’empereur et du roi d’Angleterre avait quelque vraie chance de conduire cette alliance à la victoire, et pour peu que le souverain français fût déchu et sa dynastie écartée, de très vastes dépouilles se trouveraient vacantes...
    À moins qu’il ne s’agît d’un piège, songeait-il aussitôt en se laissant retomber sur le marchepied du lit. Mais oui, évidemment : tout cela n’était qu’une épouvantable nasse dans laquelle les Impériaux et les Anglais rêvaient d’enfermer monseigneur.
    — Je dois à tout prix le mettre en garde, résolut tout haut le gentilhomme, en s’approchant de la fenêtre pour y chercher les premiers signes de l’aube.

    Jamais le soleil ne lui avait paru si long à monter dans le ciel, en dépit de la brièveté de cette nuit d’été. Il se mit à égrener les minutes qui le séparaient encore du

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