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La Régente noire

Titel: La Régente noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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tremper dans ce complot, précisa-t-il. Ils préféreraient mourir, plutôt que de trahir ainsi leur souverain seigneur. Ils sont venus au plus vite me confesser cette horreur ; du reste, je les ai sentis soulagés de se décharger sur votre serviteur d’un poids trop lourd pour leur conscience.

    Le grand sénéchal de Normandie, les mains croisées sous le menton, se tenait à présent immobile, au point que le prélat se demanda s’il n’était pas en prière... Finalement, il reprit la parole d’une voix posée.
    — Monseigneur, il vous a fallu courage et résolution pour braver les interdits canoniques ; je vous en loue bien sincèrement, et puis déjà vous assurer que l’on vous en saura un gré infini en haut lieu. Il est important que je puisse voir au plus vite vos deux gentilshommes ; mais il me paraît plus urgent encore de faire avertir le roi et Madame.
    Il appela son secrétaire, et lui donna des ordres concis.
    — Mon ami, vous allez constituer à l’instant deux groupes de chevaucheurs en armes, l’un à destination du roi, l’autre à destination de Madame. Qu’ils se tiennent prêts à partir sur-le-champ ; je rédige moi-même leurs missives, elles seront prêtes dans une demi-heure.
    Joignant le geste à la parole, il commença une longue lettre qui s’ouvrait sur ces mots : « Sire, j’ai su par un homme d’église véritablement que deux gentilshommes, désirant votre bien et honneur... » Tout en le regardant écrire, Jean Le Veneur se releva, non sans grimacer un peu, et s’approcha de la table où Louis de Brézé n’avait même pas pris le temps de s’asseoir.
    — Vos messagers sont connus et pistés. Ne craignez-vous pas que l’ennemi ne les intercepte ?
    — C’est un risque...
    Soudain le visage de Brézé s’éclaira.
    — Vous me donnez une idée, dit-il. Mes propres écuyers vont me servir de leurres. Quant aux vraies lettres...
    Il rappela le secrétaire, et le pria de lui envoyer au plus vite ces deux jeunes écuyers qui s’étaient présentés le matin même, tout fourbus, et que l’on projetait d’héberger à l’écurie.

    Les frères de Coisay pénétrèrent à petits pas dans la bibliothèque. Ils saluèrent poliment l’évêque et le sénéchal, et manifestèrent la plus grande attention aux consignes du maître des lieux.
    — Messieurs, leur déclara-t-il, je vous ai dit tantôt que nous n’avions aucun besoin de nouvel écuyer ; je me ravise. Il nous en faut deux, à présent, et des plus véloces. Je vais donc vous confier à chacun une lettre extrêmement confidentielle, que vous porterez seul, sans craindre de crever vos montures à la tâche. Peu m’importe l’état dans lequel vous arriverez, pourvu que vous arriviez vite.
    Les deux frères échangèrent un regard aussi ravi qu’intrigué. Le grand sénéchal insista lourdement sur l’importance de leur mission, les dangers qu’elle pouvait comporter et, plus que tout, son caractère hautement confidentiel.
    — Quel est l’aîné de vous deux ?
    — Gautier de Coisay, messire, pour vous servir !
    — Vous porterez votre pli au roi, et le lui remettrez en mains propres. Je ne puis vous préciser au juste où Sa Majesté se trouvera d’ici à quelques jours ; mais vous n’aurez nulle peine à vous le faire indiquer. Quant à vous...
    Il s’était tourné vers le gracieux Simon.
    — Quant à vous, c’est à la mère du roi que vous porterez votre pli. En mains propres également. Ces temps-ci, vous devriez trouver Madame à Blois ou dans les environs.
    Simon et Gautier s’inclinèrent. Mais au moment où ils allaient prendre congé, Louis de Brézé les retint encore et, d’une voix vibrante, leur confirma que, du succès ou de l’échec de leur mission, pouvaient découler des conséquences extrêmes quant au sort du royaume.
    Les jeunes gens descendirent aux écuries pour y choisir les coursiers les mieux déliés en apparence, les plus nerveux aussi.

    Une heure plus tard, leurs missives biens roulées tout contre eux, les deux cavaliers étaient lancés au galop dans la direction de Rouen, qu’ils atteignirent le lendemain matin. Gautier se disait heureux d’un tel revirement du sort ; mais en vérité sa déception était palpable de n’avoir pu, ne serait-ce qu’apercevoir sa bien-aimée. Dès leur arrivée à Gonfreville, un valet du sénéchal leur avait en effet appris que la demoiselle de Longwy se trouvait pour lors auprès de Mme de Brézé, au manoir

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