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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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lendemain matin, il rencontre Savonarole.
    « À partir de là, le texte est entièrement de la main de l’architecte. Terragni est le seul homme que Francesco puisse charger d’une telle mission. Il a besoin de quelqu’un pour perpétuer son œuvre au cas où il lui arriverait malheur à Florence. Il donne à son ami une dernière preuve de confiance : il lui confie sa dernière énigme. Il lui demande également d’ajouter une postface cryptée, pour décrire ce qu’il est advenu de ses frères de l’Académie romaine, Terragni devra aussi continuer à veiller surl’ Hypnerotomachia jusqu’à son impression. Francesco lui affirme qu’il a eu une vision de sa propre mort. Il sait qu’il ne peut pas accomplir seul son projet. Il emmène Terragni avec lui afin qu’il note sa conversation avec Savonarole.
    « Savonarole les attend au monastère, dans sa cellule. La rencontre était organisée depuis longtemps. Les deux hommes sont donc bien préparés. Francesco essaie de se montrer diplomate. Il prétend admirer son hôte et partager les mêmes objectifs que lui, la même aversion pour le péché. Il cite un passage d’Aristote sur la vertu.
    « Savonarole répond en citant Thomas d’Aquin, dans un passage à peu près identique. Il demande à Francesco s’il préféré les sources païennes aux sources chrétiennes. Francesco fait l’éloge de Thomas d’Aquin, mais ajoute qu’il a emprunté son texte à Aristote. Savonarole s’impatiente, lui assène quelques lignes de la première épître aux Corinthiens : “Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai la science des savants. Dieu n’a-t-il pas qualifié de folie la sagesse du monde ?”
    « Francesco l’écoute avec terreur. Il demande à Savonarole pourquoi, plutôt que de les détruire, il n’embrasse pas l’art et le savoir. Ne vaudrait-il pas mieux que tous deux unissent leurs efforts pour lutter contre le péché ? Puisque la foi est la source de la vérité et de la beauté, ils ne peuvent être ennemis. Mais Savonarole n’en démord pas. Il rétorque que la vérité et la beauté ne doivent être que des serviteurs de la foi. Quand elles s’en détournent, l’orgueil et le profit conduisent l’homme au péché.
    « “On ne me détournera pas de mon projet, répond-il à Francesco. Il y a plus de mal dans ces livres et ces tableaux que dans tous les autres objets que le feu détruira. Les cartes et les dés ne font que distraire les simples, mais votre prétendue sagesse corrompt les puissants. Les plus grandes familles de cette ville se bousculent pour devenir vos protecteurs. Vos philosophes prêchent aux poètes, dont les mots ravissent la multitude. Vous contaminez les peintres avec vos idées. Leurs tableaux ornent les palais des princes, leurs fresques couvrent les murs et les plafonds de toutes les églises. Vous influencez les ducs et les rois. Ils s’entourent de vos disciples, sollicitent les conseils des astrologues et des savants qui vous sont redevables et demandent à vos érudits de traduire leurs ouvrages. Non, je ne laisserai pas l’orgueil et la cupidité gouverner Florence plus longtemps. Cette vérité et cette beauté que vous admirez tant sont de fausses idoles, des vanités. Elles précipitent les hommes dans les bras du Malin.”
    « Francesco s’apprête à prendre congé. Il ne réussira pas à convaincre le prêcheur. Pourtant, dans un sursaut de colère, il s’écrie : “Si vous n’accédez pas à mes demandes, je prouverai que vous n’êtes pas un prophète mais un dément. J’arracherai chaque livre, chaque tableau à votre bûcher, jusqu’à ce que le feu m’anéantisse. Ainsi, vous aurez mon sang sur les mains. Et le monde entier se retournera contre vous.”
    « Savonarole prononce des paroles auxquelles Francesco ne s’attendait pas : “Vous ne me ferez pas changer d’avis. Mais si vous êtes prêt à mourir pour défendre vos idées, je vous offre mon respect, et je vous considère comme mon fils. Toute cause que Dieu tient pour juste renaîtra. Le martyr qui défend une sainte querelle se relèvera de ses cendres et sera transporté jusqu’au ciel. Je ne souhaite pas voir périr un homme de votre condition, mais ceux que vous représentez, qui possèdent les œuvres que vous souhaitez sauver, n’obéissent qu’au goût du lucre et à la fausse gloire. Ils ne se soumettront jamais à la volonté divine, sauf si on les y contraint. Le Seigneur sacrifie parfois

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