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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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rapidement les signes qui dansent sur les pages.
    — Le journal dont parlait Richard Curry !
    Paul hoche la tête. Il y a trente ans, Curry travaillait sur un manuscrit génois, qui, d’après lui, allait lui permettre de percer le secret del’ Hypnerotomachia. Peu de temps après qu’il en eut parlé à Taft, on avait dérobé le manuscrit chez lui. Pour Curry, Taft était l’auteur ou l’instigateur du vol. Quelle que fut la vérité, Paul et moi étions résignés à la perte de ce texte et nous avions résolu de nous en passer. Mais pour Paul, à cette étape de la rédaction de son mémoire, cette trouvaille était capitale.
    — Richard m’a expliqué qu’il était question de Francesco Colonna dans ce journal de bord. Vraisemblablement, il attendait un bateau. Tous les jours, le capitaine du port de Gênes prenait des notes. Il y a des pages entières sur Colonna, sur ses hommes, leurs déplacements, l’endroit où ils logeaient.
    Bill se lève d’un bond, se rue vers la porte.
    — Je te le laisse vingt-quatre heures. Fais-en une copie, si tu veux. Manuscrite. Tout ce qui peut faire avancer le travail. Tu dois me le rendre demain.
    Paul sursaute.
    — Tu t’en vas déjà ?
    — Obligé.
    — Tu assistes à la conférence de Vincent ?
    Stein s’arrête.
    — À la conférence ? Impossible.
    Ses tics nerveux me mettent mal à l’aise.
    — Je serai dans mon bureau, ajoute-t-il en passant une écharpe rouge autour de son cou. N’oublie pas. Tu dois absolument me le rapporter demain.
    — Ne t’inquiète pas, dit Paul serrant le petit paquet contre sa poitrine. J’y passerai la nuit. Je prendrai des notes.
    — Et pas un mot à Vincent, ordonne Stein en fermant son blouson. Que cela reste entre nous.
    — Je te le rapporte. Promis. J’ai jusqu’à minuit, demain, pour en finir.
    — Alors, à demain.
    Stein rejette son écharpe derrière son épaule et se faufile hors de la salle. Il aime se ménager des sorties théâtrales. En quelques enjambées, il a dépassé le seuil du refuge de Mme Lockhart et disparu. La vieille bibliothécaire pose une main desséchée sur une reproduction élimée de Victor Hugo caressant le cou d’une ancienne flamme.
    — Au revoir, madame Lockhart, dit Bill au loin.
     
    — C’est vraiment le journal du capitaine ? demandé-je dès que Bill est sorti.
    En guise de réponse, Paul me lit à voix haute certains passages. Il doit déchiffrer le dialecte de Ligurie, la langue parlée à Gênes à l’époque de Colomb, parsemée de mots à consonances françaises. Il hésite d’abord, et finit par trouver un rythme.
    —  Mer houleuse, la nuit dernière. Un navire… se brise sur la grève. Les vagues déposent des requins, l’un très grand. Les marins français vont au bordel. Un Maure… corsaire ? Vu en eaux peu profondes.
    Paul tourne les pages, choisit au hasard.
    —  Belle journée. Maria se remet. L’urine est meilleure, d’après le docteur. Il prend cher, le charlatan ! Le… l’apothicaire… prétend qu’il peut la soigner pour deux fois moins. Et la guérir deux fois plus vite ! (Paul s’arrête un instant.) La fiente de chauve-souris guérit de tout.
    Je l’arrête.
    — Mais qu’est-ce que tout cela a à voir avecl’ Hypnerotomachia  ?
    Paul continue à feuilleter le livre.
    —  Un capitaine vénitien s’est saoulé hier soir et a commencé à se vanter. Notre faiblesse à Fornova. La défaite de Portofino. Les hommes l’ont emmené sur le… le chantier naval et l’ont pendu haut et court. Son corps se balance encore ce matin au bout du mât.
    Avant que je puisse répéter ma question, Paul écarquille les yeux ;
    —  Le Romain est revenu hier soir. Vêtu plus richement qu’un duc. Personne ne sait ce qui l’amène. Pourquoi est-il venu ? Je pose la question aux autres. Ceux qui savent quelque chose se taisent. Un de ses navires doit mouiller dans le port, dit la rumeur. Il escompte s’assurer que tout se passe bien.
    Je me cale sur ma chaise. Paul tourne les pages et poursuit.
    —  Que peut bien transporter ce navire pour qu’un homme de cette importance veille sur son bon arrivage ? Quelle cargaison ? Des femmes, dit Barbo l’Ivrogne. Des esclaves turcs, un harem. Mais j’ai vu cet homme que ses serviteurs appellent maître Colonna. Frère Colonna, disent ses amis. C’est un gentilhomme. J’ai vu ce qu’il y avait dans son regard. Ce n’est pas du désir. C’est de la peur. On dirait un

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