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La reine de Saba

La reine de Saba

Titel: La reine de Saba Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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s’échappait la fumée des fours de
charbon de bois, vacillante et incertaine comme si elle hésitait entre le poids
de la pluie tiède et le désir de se perdre dans la pénombre grandissante.
    Le
caquètement grotesque d’un couple de perroquets verts jaillit brusquement dans
le dos de Makéda. Elle sursauta, mais sans se retourner, devinant qui
s’approchait sans que les servantes la préviennent.
    Tout en
guettant le frôlement des sandales sur le sol de briques, elle suivit des yeux
une caravane d’éléphants et de chameaux débâtés. Poussée par une poignée
d’hommes indifférents à la pluie et à l’ombre qui les rattrapait, elle
disparaissait sur la bande brune de la route sinuant entre les champs de
l’ouest.
    Lorsque le
frottement des sandales fut tout proche, elle demanda :
    — As-tu
remarqué l’efficacité de mes nouveaux gardiens, Kirisha ?
    Kirisha
accrocha les lampes à huile qu’elle apportait aux suspensoirs de bronze avant
de répondre en riant :
    — Leur
plumage est magnifique, mais les dieux leur ont donné la voix la plus laide
qu’un oiseau ait jamais eue.
    — C’est
un cadeau de mon oncle Myangabo. Il est de retour de chez Pharaon.
    — Je
sais. On déverse encore les présents qu’il a rapportés dans la grande salle.
Elle ne semble pas assez grande pour tous les contenir.
    La nuit
progressait vite à présent. Les murs de la nouvelle Axoum paraissaient s’y
engloutir l’un après l’autre. Makéda eut une grimace. Elle quitta le bord de la
fenêtre et se retourna.
    — Axoum
ressemble de plus en plus à Maryab. Mon père a beaucoup fait pour que l’on
apprenne à construire ici de belles et hautes maisons, mais parfois on croirait
une illusion prête à s’effacer.
    Kirisha la
considéra en inclinant un peu la tête.
    — Un
jour, il te faudra cesser de regretter Maryab.
    — Jamais.
    — Makéda…
Déjà dix années ont passé !
    — Les
jours de Maryab sont dans mon cœur et eux ne s’effaceront jamais, au contraire
de cette ville.
    Kirisha
secoua la tête et sourit avec tendresse. La lumière du soir vieillissait son
visage pâle. La flamme des mèches à huile creusait les rides qui cernaient
désormais ses yeux et sa bouche. Ces dix années écoulées depuis qu’Akébo le
Grand avait fait d’Axoum son palais et le cœur de son royaume avaient estompé
sa beauté. Une beauté dont Makéda se souvenait avec une extrême précision.
    Saisie
d’une nostalgie qui ne venait pas de l’ombre du soir, Makéda eut un coup au
cœur. Elle enlaça Kirisha, la serra contre elle, soufflant contre son
oreille :
    — Je
n’oublie rien ! Almaqah me l’interdit. Je ferme les yeux et c’est comme si
tout ne s’était passé qu’hier…
    C’était
vrai. Enfant, pendant de longues années, elle s’était contrainte à se rappeler,
afin que la fureur de la vengeance, promise au jour de leur fuite, demeure bien
vivante. Chaque nuit, étendue sur sa couche, elle revoyait la lueur de l’aube
qui blanchissait le ciel au-dessus des murailles de Maryab en ce matin maudit.
    Elle
revoyait la beauté, l’opulence des jardins, l’enceinte close du temple de
Bilqîs, la porte de bronze qu’elle n’avait pu franchir. Elle entendait les cris
venus de la ville qui résonnaient dans le ciel glacé. Elle voyait le visage
tendu de Tan’Amar, la bouche dure d’Himyam et le calme de son père. Et encore
les yeux pleins de larmes de Kirisha, que la douleur ne parvenait pas à rendre
laide.
    À chacune
de ces pensées, un sanglot de rage lui serrait la gorge.
    Puis il y
avait eu le grondement feutré des chameaux se ruant dans le défilé Jabal Balaq.
Une course comme elle n’en avait jamais connu, les chameaux pressés les uns
contre les autres dans la poussière, le cou tendu par l’effort, les hommes ne
donnant de la voix que de loin en loin, l’air chaud et odorant qui piquait les
yeux, asséchait la bouche.
    Elle était
assez petite pour que son père puisse la tenir contre lui, serrée sur sa
poitrine. Elle s’était agrippée aux deux doigts de sa main amputée,
réconfortée, malgré sa rage, par sa chaleur, son odeur, cette puissance qui
l’enveloppait et lui permettait d’oublier que cette course était une fuite.
    Mais aux
bivouacs, la colère lui revenait tout entière.
    Elle
n’avait pas ouvert la bouche durant trois jours malgré la tristesse qui
durcissait le visage de son père. Elle avait refusé les caresses de Kirisha,
tourné le dos à Himyam

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