La reine de Saba
de
repos.
Akébo
ordonna à Tan’Amar de s’asseoir. Comme le roi restait debout, Tan’Amar hésita.
Akébo répéta son ordre durement. Il alla se verser un gobelet de lait de chèvre
fermenté. Il le but avec lenteur avant de demander :
— Tu
connais les décisions de ma fille ?
— J’ai
appris le conseil que tu lui as donné par la bouche d’Himyam et du seigneur
Myangabo, répondit prudemment Tan’Amar. Elle sera prêtresse de Râ selon ta
volonté.
Lui
tournant le dos, Akébo reposa rudement le gobelet sur la fragile table.
— Je
me moque qu’elle sacrifie au dieu de Pharaon ! Ça, c’est une idée
diplomatique de Myangabo ! Ma volonté, c’est que la princesse Makéda
s’assoie à côté de son père et devienne enfin la reine de Saba ! Tu le
sais aussi ?
Akébo lui
fit face. Tan’Amar soutint son regard. Il approuva d’une inclinaison de la
tête.
— Jamais
jusqu’à ce jour ta parole pour moi n’a été mensongère ? interrogea encore
Akébo.
Sur son
visage, Tan’Amar lut la même tension que lorsqu’il avait décoché la flèche, une
heure plus tôt.
— Te
mentir serait mourir, mon roi. D’une mort de traître qui m’ouvrirait l’enfer
d’Almaqah.
La réponse
simple et le ton calme de Tan’Amar firent ciller Akébo. La tension retomba.
— Mais
tu dis à ma fille des choses que tu me tais. Tan’Amar hésita, esquissa un
sourire.
— Un
homme dit à une femme des choses qu’il ne peut avouer ni à son roi ni même à
l’homme qui lui est le plus précieux.
Akébo eut
un grognement de surprise. L’amusement et l’embarras glissèrent sur ses traits.
— Ma
fille me trouve faible. Il semble que toi aussi.
— Non.
Je te trouve sage.
— Tu
n’es pas d’accord avec elle ?
— C’est
elle plutôt qui n’est pas d’accord avec moi.
— Que
veux-tu dire ?
— Que
je lui ai demandé si je pouvais venir m’agenouiller devant toi pour te prier de
me l’accorder en épousailles et que j’attends toujours sa réponse.
— Ah !
Akébo fut
tenté de baisser les paupières.
— Quand
Makéda me voit, elle ne voit que deux choses : le blanc qui vient dans mes
cheveux et la décision que j’ai prise à Maryab.
— Non,
détrompe-toi. Elle voit d’abord Akébo le Grand et son père.
— Le
fait est que l’âge pousse dans mes veines. Je le sens chaque matin. C’est
pourquoi je la veux près de moi. Que l’on sache qu’elle sera Makéda, reine de
Saba après Akébo.
Tan’Amar
se contenta d’acquiescer en silence. Le regard d’Akébo s’alourdit.
— Mais
elle ne veut pas. Elle veut d’abord la guerre.
— Non,
elle souhaite accomplir sa promesse. Elle est la fille d’Akébo. Elle désire la
mort de Shobwa.
— Fille
d’Akébo ! Moi, je n’ai pas tenu ma promesse de la faire entrer dans le
temple de Bilqîs ! De faire asseoir mon épouse auprès d’Almaqah.
Tan’Amar
se tut. Akébo se laissa tomber sur un siège, son poing amputé pressé sur sa
poitrine.
— La
sagesse n’était pas la guerre avec Maryab. La sagesse était de rendre ce
nouveau pays de Saba riche, de rendre le peuple confiant et prospère sans que
Pharaon nous menace.
— Ce
que tu as accompli.
— Mais
ma fille clame : le royaume de Saba est la couche d’amants séparés par la
mer Pourpre et qui ne peuvent plus s’aimer. Paroles de femme pour parler des
guerres d’hommes.
— C’est
vrai. Mais Makéda n’est pas semblable aux autres femmes.
— Et
tu penses qu’elle a raison ? Tu l’encourages, tu lui apprends ce que
moi-même j’ignore.
— Je
sais que tu ne veux pas la guerre avec Shobwa…
— Avec
l’aide des clans de Kamna et Kharibat, ils ont aujourd’hui deux ou trois fois
plus de guerriers que nous. Ils sont devenus riches et possèdent de bonnes
armes. Notre courage et notre valeur n’y suffiront pas ! On ne commence
pas une guerre si on ne peut la gagner.
— Makéda
le sait. Pourtant ce qu’elle dit est juste : les mukaribs du Nord sont ici
désormais. Ils répandent le nom d’Arwé, ils entraînent le peuple à lui faire
des sacrifices. Ils agissent par la dissimulation, ainsi qu’à Maryab. Arwé
entre dans ton royaume comme ce ver qu’on avale en mangeant de la mauvaise
viande. Il te vide de tes forces avant que tu puisses le chier.
La
violence des propos de Tan’Amar ébranla Akébo.
— Mais
aujourd’hui les clans du Nord ne s’aiment pas, insista Tan’Amar. Leurs forces
ne sont pas
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