La reine de Saba
de devenir plus faible ?
Quel puissant allait s’aventurer à perdre de sa puissance face à Salomon ?
Ainsi le
plus étonnant, le plus extraordinaire, était que depuis dix ans ces guerriers,
ces chars et ces armes n’avaient pour ainsi dire pas combattu. Cette formidable
force décourageait les querelleurs et les envieux. Elle imposait le respect à
Pharaon lui-même. On préférait se faire l’ami de Salomon plutôt que de
provoquer sa colère. Et lui, dans sa grande sagesse, savait aussi ne pas
chercher querelle à ses voisins. Alors qu’il aurait pu courir les champs de
bataille jusqu’en Perse, il se contentait de gouverner Juda et Israël pour le
plus grand bonheur de chacun.
L’enthousiasme
de Zacharias le portait à l’excès de détails, si bien qu’A’hia montra quelques
difficultés à traduire. Élihoreph, engourdi par la nourriture, dut seconder son
fils.
Makéda les
écouta d’abord avec le plaisir de l’amusement. Elle songea que son père et
Himyam avaient bien raison : le peuple de ce roi Salomon aimait les mots
et les phrases autant que se montrer à son avantage. Mais bien vite, elle
admira la passion du serviteur pour son maître et peut-être, aussi, l’astuce de
ce » maître, si le serviteur était fidèle à la vérité.
Profitant
de ce que Zacharias et les scribes reprenaient leur souffle, buvant une gorgée
de lait de chèvre, elle demanda si tous les Hébreux aimaient et admiraient leur
roi avant tant de passion.
Une
question qui les surprit. Pour une fois, Zacharias parut déconcerté.
— Bien
sûr ! Salomon est celui que nous chérissons plus que tout autre. Il est
notre juste parmi les justes. Il est le plus haut. Mon roi Salomon me demande
d’aller dans l’inconnu du monde et j’y vais sans rien craindre. Je sais que
Yahvé le Tout-Puissant voudra lui plaire et que pour cela il veillera sur
moi !
Les deux
scribes hochaient la tête en traduisant, approuvaient, les yeux humides
d’émotion.
Cette
réponse troubla Makéda. Elle se fit sérieuse. Un bref instant, il y eut un
silence que Zacharias, peu sûr de sa cause, se retint avec prudence de briser.
L’activité bruyante du port, qui se poursuivait avec acharnement au-dehors,
pénétra dans la pièce et leur rappela l’enjeu de l’aube prochaine.
Makéda se
raidit. Sa main se tendit. Elle ouvrit le petit coffre dans lequel on avait
transporté les dagues trouvées dans le navire hébreu et que son père avait
appréciées à l’instant de sa mort.
Elle en
saisit une, en caressa la lame d’un geste devenu presque machinal.
— Ainsi,
dit-elle pensivement, les guerriers de Salomon possèdent tous de ces
lames ?
— Celles-ci
et bien d’autres. Plus grandes, plus courtes, avec toutes sortes de formes ou
de largeurs, s’enflamma à nouveau Zacharias. Elles ne se cassent jamais, même
au combat, et si on les préserve de l’humidité, elles durent plus que les
hommes. On trouve quantité de ce métal de fer au royaume de Juda et Israël. Et
beaucoup de forgerons très savants capables d’en tirer tout ce que leur
imagination peut inventer.
— Et
Salomon, conclut Makéda, qui est sage et aime tant la paix, fait son commerce
en offrant des armes contre le parfum des encens afin que d’autres
s’entretuent ?
Cela fut
énoncé avec un sourire léger. Elihoreph ne put retenir un petit gloussement qui
entraîna le rire des deux autres.
— Notre
roi Salomon pense que chacun est capable d’établir sa propre paix, répliqua
Zacharias avec circonspection. D’ailleurs, il ne l’obtient pas seulement en
ayant une grande armée.
— Ah ?
Et par quel autre moyen ?
— Il
aime prendre pour épouses les filles ou les sœurs de ceux qui pourraient avoir
le goût d’entrer en guerre contre Juda et Israël. Ainsi, ils se trouvent
embarrassés.
— Veux-tu
dire que Salomon a plusieurs épouses ? Le sourire de Zacharias éclatait de
fierté.
— Beaucoup,
beaucoup ! Il en a beaucoup. Il y a la fille de Pharaon, qui est la
principale et…
Zacharias
aurait volontiers donné encore des détails, des nombres par dix et cent, sur
leur beauté, leur jeunesse et les prouesses de son roi. Mais quelque chose sur
les lèvres de la reine de Saba, dans ses yeux, le prévint qu’il valait mieux se
taire. Il sut le lire et avait assez d’expérience pour obéir. Il acheva sa
phrase d’un geste de la main, vague, qui mourut dans la pénombre comme les mots
de la traduction
Weitere Kostenlose Bücher