Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
trahis,
Bouville ! »
    Entre Bouville et Marigny existaient
de vieux et solides liens d’amitié. C’était chez le père de Bouville,
Hugues II, grand chambellan d’alors, et qui devait être tué sous les yeux
de Philippe le Bel à Mons-en-Pévèle, que Marigny avait commencé de servir en
qualité d’écuyer ; et, au long de son extraordinaire ascension, il s’était
toujours montré fidèle au fils de son premier seigneur.
    Les Bouville appartenaient à la très
haute noblesse. La fonction de chambellan, sinon celle de grand chambellan,
était chez eux, depuis un siècle, quasi héréditaire. Hugues III, qui avait
succédé à son frère Jean, qui lui-même avait succédé à leur père,
Hugues II, était, par nature et par atavisme, si dévoué serviteur de la
couronne, et si ébloui de la grandeur royale, que lorsque le roi lui parlait,
il ne savait qu’approuver. Que le Hutin fût un sot et un brouillon ne faisait
pas de différence ; et, dès l’instant qu’il était le roi, Bouville
s’apprêtait à reporter sur lui tout le zèle qu’il avait témoigné à Philippe le
Bel.
    Cet empressement reçut immédiatement
sa récompense, car Louis X décida que ce serait Bouville qu’on enverrait à
Naples. Le choix surprit, mais ne suscita point d’opposition. Valois,
s’imaginant qu’il réglerait tout secrètement par lettres, estimait qu’un homme
médiocre, mais docile, était juste l’ambassadeur qui lui convenait. Tandis que
Marigny pensait : « Envoyez donc Bouville. Il a autant d’aptitude à
négocier qu’en aurait un enfant de cinq ans. Vous verrez bien les résultats. »
    Le bon serviteur, tout rougissant,
se trouva ainsi chargé d’une haute mission, qu’il n’attendait pas.
    — Rappelez-vous, Bouville, que
nous sommes en besoin d’un pape, dit le jeune roi.
    — Sire, je n’aurai que cette
idée en tête.
    Louis X prenait soudain de l’autorité ;
il aurait voulu que son messager fût déjà en route. Il poursuivit :
    — Au retour vous passerez en
Avignon, et ferez en sorte de hâter ce conclave. Et puisque les cardinaux,
paraît-il, sont gens qu’on doit acheter, vous vous ferez pourvoir d’or par
messire de Marigny.
    — Où prélèverai-je cet or,
Sire ? demanda ce dernier.
    — Eh mais… sur le Trésor, bien
évidemment !
    — Le Trésor est vide, Sire,
c’est-à-dire qu’il y reste à peine suffisance pour honorer les paiements d’ici
la Saint-Nicolas, et attendre de nouvelles rentrées, mais rien de plus.
    — Comment, le Trésor est vide,
messire ? s’écria Valois. Et vous ne l’avez pas dit plus tôt ?
    — Je voulais commencer par-là,
Monseigneur, mais vous m’en avez empêché.
    — Et pourquoi, à votre avis,
sommes-nous dans cette pénurie ?
    — Parce que les tailles d’impôt
rentrent mal quand on les prend sur un peuple en disette. Parce que les barons,
comme vous le savez le premier, Monseigneur, rechignent à payer les aides.
Parce que le prêt consenti par les compagnies lombardes a servi pour régler aux
mêmes barons les soldes de la dernière expédition de Flandre, cette expédition
que vous aviez si fort conseillée…
    — … et que vous avez voulu
clore de votre chef, messire, avant que nos chevaliers aient pu y trouver
gloire, et nos finances profit. Si le royaume n’a pas tiré avantage des hâtifs
traités que vous êtes allé conclure à Lille, j’imagine qu’il n’en fut pas de
même pour vous, car votre habitude n’est point de vous oublier dans les marchés
que vous passez. J’en ai subi l’apprentissage à mon détriment.
    Ces derniers mots faisaient allusion
à l’échange de leurs seigneuries respectives de Gaillefontaine et de Champrond
auquel ils avaient procédé, quatre ans plus tôt, à la demande de Valois
d’ailleurs, et dans lequel celui-ci s’était jugé dupé. Leur grande brouille
datait de là.
    — Il n’empêche, dit
Louis X, que messire de Bouville doit être mis en chemin au plus tôt.
    Marigny ne parut pas avoir entendu
que le roi parlait. Il se leva, et l’on eut la certitude que quelque chose d’irréparable
allait se produire.
    — Sire, j’aimerais que
Monseigneur de Valois éclairât ce qu’il vient de dire au sujet des conventions
de Lille et de Marquette, ou bien qu’il retirât ses paroles.
    Quelques secondes s’écoulèrent sans
qu’il y eût aucun bruit dans la chambre du Conseil. Puis Monseigneur de Valois
à son tour se leva, faisant tressauter les

Weitere Kostenlose Bücher