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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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assemblée :
le mort.
    Enguerrand de Marigny regardait le
jeune roi et attendait visiblement que celui-ci prononçât :
« Messire, je vous confirme en vos charges de coadjuteur et recteur
général du royaume…»
    Rien ne venant, Marigny fit comme si
cela avait été dit, et demanda :
    — De quelles affaires, Sire,
désirez-vous être informé ? De la rentrée des aides et tailles, de l’état
du Trésor, des arrêts du Parlement, de la disette qui sévit dans les provinces,
de la position des garnisons, de la situation en Flandre, des requêtes
présentées par vos barons de Bourgogne et de Champagne ?
    Ce qui signifiait en clair :
« Sire, voilà les questions dont je m’occupe, et bien d’autres encore,
dont je pourrais vous égrener plus longtemps le chapelet. Pensez-vous être capable
de vous passer de moi ? »
    Le Hutin se tourna vers son oncle
Valois d’un air qui mendiait appui.
    — Messire de Marigny, le roi ne
nous a pas réunis pour ces affaires, dit Valois ; il les entendra plus
tard.
    — Si l’on ne m’avertit pas de
l’objet du Conseil, Monseigneur, je ne puis le deviner, répondit Marigny.
    — Le roi, messires, poursuivit
Valois sans paraître attacher la moindre importance à la remarque, le roi
souhaite vous entendre sur le premier souci qu’en bon souverain il doit
avoir : celui de sa descendance et de la succession au Trône.
    — C’est tout juste cela,
messires, dit le Hutin en essayant un ton de grandeur. Mon premier devoir est
de pourvoir à la succession, et pour cela il me faut une femme…
    Et puis il resta court. Valois
reprit la parole.
    — Le roi considère donc qu’il
doit, dès à présent, s’apprêter à rechoisir épouse, et son attention s’est
portée sur Madame Clémence de Hongrie, fille du roi Carlo-Martello et nièce du
roi de Naples. Nous souhaitons ouïr votre conseil avant d’envoyer ambassade.
    Ce « nous souhaitons »
frappa désagréablement plusieurs membres de l’assistance. Était-ce donc
Monseigneur de Valois qui régnait ?
    Philippe de Poitiers inclina le
visage vers le comte d’Évreux.
    — Voilà donc, murmura-t-il,
pourquoi l’on a commencé par me beurrer l’oreille avec la pairie.
    Puis, à voix haute :
    — Quel est sur ce projet l’avis
de messire de Marigny ? demanda-t-il.
    Ce faisant, il commettait sciemment
une incorrection envers son frère aîné, car il appartenait au souverain, et
seulement à lui, d’inviter ses conseillers à donner leur opinion. Personne ne
se fût aventuré à pareil manquement dans un conseil du roi Philippe. Mais
aujourd’hui, chacun paraissait commander ; et puisque l’oncle du nouveau
roi se donnait les gants de dominer le Conseil, le frère pouvait bien prendre
les mêmes libertés.
    Marigny avança un peu son buste
massif.
    — Madame de Hongrie a sûrement
de grandes qualités pour être reine, dit-il, puisque la pensée du roi s’est
arrêtée sur elle. Mais à part qu’elle est la nièce de Monseigneur de Valois, ce
qui bien sûr suffit à nous la faire aimer, je ne vois pas trop ce que son
alliance apporterait au royaume. Son père Charles-Martel est mort voici
longtemps, n’étant roi de Hongrie que de nom ; son frère Charobert…
    À la différence de Charles de Valois
il prononçait les noms à la française…
    — … son frère Charobert
est enfin parvenu l’autre année, après quinze ans de brigue et d’expéditions, à
coiffer cette couronne magyare qui ne lui tient pas trop fort à la tête. Tous
les fiefs et principautés de la maison d’Anjou sont déjà distribués parmi cette
famille si nombreuse qu’elle s’étend sur le monde comme l’huile sur la
nappe ; et l’on croirait bientôt que la famille de France n’est qu’une
branche de la lignée d’Anjou [5] .
On ne peut attendre d’un semblable mariage aucun agrandissement du domaine,
comme le souhaitait toujours le roi Philippe, ni aucune aide de guerre, car
tous ces princes lointains sont assez occupés à se maintenir dans leurs
possessions. En d’autres mots, Sire, je suis certain que votre père se fût
opposé à une union dont la dot serait composée de plus de nuages que de terres.
    Monseigneur de Valois était devenu
rouge, et son genou s’agitait sous la table. Chacune des phrases de Marigny
contenait une perfidie à son endroit.
    — Vous avez beau jeu, messire,
s’écria-t-il, à porter parole pour qui est au tombeau. Je vous opposerai, moi,
que la vertu d’une reine

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