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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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vaut mieux qu’une province. Les belles alliances de
Bourgogne que vous aviez si bien ourdies n’ont pas tourné à tel avantage qu’il
faille vous prendre encore pour juge en la matière. Honte et chagrin, voilà ce
qu’il en est résulté.
    — Oui, cela est ainsi !
déclara brusquement le Hutin.
    — Sire, répondit Marigny avec
une nuance de lassitude et de mépris, vous étiez bien jeune quand votre mariage
fut décidé par votre père ; et Monseigneur de Valois n’y paraissait point
tellement hostile alors, ni non plus par la suite, puisque voici moins de deux
ans il a choisi de marier son propre fils à la propre sœur de votre épouse, pour
se rendre ainsi plus proche de vous.
    Valois accusa le coup, et sa
couperose se marqua davantage. Il avait cru, en effet, fort habile d’unir son
fils aîné, Philippe, à la sœur cadette de Marguerite, celle qu’on appelait
Jeanne la Petite, ou la Boiteuse, parce qu’elle avait une jambe plus courte que
l’autre [6] .
    Marigny poursuivait :
    — La vertu des femmes est chose
incertaine, Sire, autant que leur beauté est chose passagère ; mais les
provinces restent. Le royaume, ces temps-ci, a gagné plus d’accroissement par
les mariages que par les guerres. Ainsi Monseigneur de Poitiers détient la
Comté-Franche ; ainsi…
    — Ce conseil, dit brutalement
Valois, va-t-il se passer à écouter messire de Marigny chanter sa propre
louange, ou bien à pousser avant les volontés du roi ?
    — Pour ce faire, Monseigneur,
répliqua Marigny aussi vivement, il conviendrait de ne pas placer le chariot
devant l’attelage. On peut rêver pour le roi de toutes les princesses de la
terre, et je comprends bien que l’impatience le gagne ; encore faut-il
commencer par le démarier de l’épouse qu’il a. Monseigneur d’Artois ne paraît
pas vous avoir rapporté de Château-Gaillard les réponses que vous attendiez.
L’annulation requiert donc qu’il y ait un pape…
    — … ce pape que vous nous
promettez depuis six mois, Marigny, mais qui n’est pas encore sorti d’un
conclave introuvable. Vos envoyés ont si bien brimé et défenestré les cardinaux
à Carpentras que ceux-ci se sont enfuis, soutanes retroussées, à travers la
campagne. Vous n’avez pas là sujet d’afficher beaucoup votre gloire ! Si
vous aviez marqué plus de modération, et un respect pour les ministres de Dieu
qui vous est fort étranger, nous serions moins en peine.
    — J’ai évité jusqu’à ce jour
qu’on élise un pape qui ne fût que la créature des princes de Rome, ou de ceux
de Naples, pour ce que le roi Philippe voulait justement un pape qui fût
serviable à la France.
    Les hommes épris de puissance sont
avant tout poussés par la volonté d’agir sur l’univers, de faire les
événements, et d’avoir eu raison. Richesse, honneurs, distinctions ne sont à
leurs yeux que des outils pour leur action. Marigny et Valois appartenaient à
cette espèce-là.
    Ils s’étaient toujours affrontés, et
seul Philippe le Bel avait su tenir à bout de bras ces deux adversaires, se
servant au mieux de l’intelligence politique du légiste, et des qualités
militaires du prince du sang. Mais Louis X était dépassé par le débat et
totalement impuissant à l’arbitrer.
    Le comte d’Évreux intervint, tâchant
à ramener les esprits au calme, et avança une suggestion qui pût concilier les
deux partis.
    — Si en même temps qu’une
promesse de mariage avec Madame Clémence, nous obtenions du roi de Naples qu’il
acceptât pour pape un cardinal français ?
    — Alors certes, Monseigneur,
dit Marigny plus posément, un tel accord aurait un sens ; mais je doute
fort qu’on y parvienne.
    — Nous ne risquons rien à
essayer. Envoyons une ambassade à Naples, si tel est le vœu du roi.
    — Assurément, Monseigneur.
    — Bouville, votre
conseil ? dit brusquement le Hutin pour se donner l’air de prendre l’affaire
en main.
    Le gros Bouville sursauta. Il avait
été excellent chambellan, attentif à la dépense et majordome exact, mais son
esprit ne volait pas très haut ; et Philippe le Bel ne s’adressait guère à
lui, en Conseil, que pour lui commander de faire ouvrir les fenêtres.
    — Sire, dit-il, c’est une noble
famille, où vous iriez prendre épouse, et où l’on maintient fort les traditions
de chevalerie. Nous aurions honneur à servir une reine…
    Il s’arrêta, interrompu par un
regard de Marigny qui semblait dire : « Tu me

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