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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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elle
en a parlé plusieurs fois ; et elle y est revenue au dernier instant.
    — Bah ! Ce n’est qu’un mot
pour nous hâter un peu, et se faire valoir. Si par aventure, tout à fait
improbable d’ailleurs, l’annulation tardait davantage, Madame de Hongrie
prendrait patience.
    — Je ne sais,
Monseigneur ; la chose était dite de manière bien sérieuse et bien ferme.
    Valois ne se sentait pas fort à
l’aise, et tapotait du bout des doigts le bras de son siège.
    — Avant l’été, murmurait
Louis ; avant l’été… Et en quel point avez-vous trouvé le conclave ?
    Bouville fit alors le récit de son
expédition en Avignon, sans trop insister sur ses mésaventures
personnelles ; il rapporta les informations recueillies par Guccio,
raconta son entrevue avec le cardinal Duèze, et insista sur le fait que
l’élection d’un pape dépendait avant tout de Marigny.
    Louis X écoutait avec une
grande attention, tout en portant fréquemment les yeux vers le portrait de
Clémence de Hongrie.
    — Duèze… oui, disait-il.
Pourquoi pas Duèze ?… Il est prêt à prononcer l’annulation… Il lui manque
sept voix françaises… Ainsi vous m’assurez, Bouville, que seul Marigny peut
venir à bout de cette affaire ?
    — C’est mon sentiment absolu,
Sire.
    Le Hutin se déplaça lentement vers
la table où était posé le quitus préparé par Philippe de Poitiers. Il prit une
plume d’oie, la trempa dans l’encre.
    Charles de Valois pâlit.
    — Mon neveu, s’écria-t-il en
s’élançant, vous n’allez pas donner décharge à ce coquin ?
    — D’autres que vous, mon oncle,
affirment que ses comptes sont francs. Six des barons désignés pour faire
l’examen sont de cet avis ; il n’est que votre chancelier pour partager le
vôtre.
    — Mon neveu, je vous supplie
d’attendre… Cet homme vous trompe comme il a trompé votre père ! cria
Valois.
    Bouville aurait voulu être hors de
la pièce.
    Louis X fixait sur son oncle un
regard buté, méchant.
    — Je vous avais dit qu’il me
fallait un pape, prononça-t-il.
    — Mais Marigny est opposé à
Duèze !
    — Eh bien ! Qu’il en
choisisse un autre !
    Pour couper à toute nouvelle
objection, il ajouta hors de propos mais avec grande autorité de ton :
    — Rappelez-vous que le roi
appartient à la justice… afin de la faire triompher.
    Et il signa le quitus.
    Valois prit congé sans cacher son
dépit. Il étouffait de rage. « J’aurais mieux fait, pensait-il, de lui
trouver une fille torse et mal avenante de visage. Il se montrerait moins
pressé. J’ai été joué, et Marigny va revenir en cour grâce aux outils que
j’avais forgés pour l’en chasser. »
     

VIII

LA LETTRE DU DÉSESPOIR
    Une rafale de vent gifla l’étroit
vitrage, et Marguerite de Bourgogne se rejeta en arrière, comme si quelqu’un du
fond du ciel cherchait à la frapper.
    Le jour commençait à se lever,
incertain, sur la campagne normande. C’était l’heure où la première garde
montait aux créneaux de Château-Gaillard. La tempête d’ouest chassait d’énormes
nuages portant en leurs flancs sombres des montagnes d’eau ; et les
peupliers, le long de la Seine, ployaient leur échine défeuillée.
    Le sergent Lalaine déverrouilla les
portes qui, dans l’escalier à vis, isolaient les deux princesses ;
l’archer Gros-Guillaume déposa dans la chambre de Marguerite deux écuelles de
bois emplies de bouillie fumante ; puis il sortit sans avoir rien dit, en
traînant les pieds.
    — Blanche… appela Marguerite en
s’approchant du palier.
    Elle n’obtint pas de réponse.
    — Blanche ! répéta-t-elle
plus fort.
    Le silence qui suivit l’emplit
d’angoisse. Enfin elle entendit un lent claquement de socques de bois sur les
marches. Blanche entra, vacillante, défaite ; ses yeux clairs, dans la
lueur grise qui emplissait la pièce, avaient une inquiétante expression d’absence
tout à la fois et d’obstination.
    — As-tu dormi un peu ? lui
demanda Marguerite.
    Blanche alla sans rien dire jusqu’à
la cruche d’eau posée sur un escabeau, s’agenouilla et, inclinant la cruche
vers sa bouche, y but à longs traits. Elle adoptait ainsi depuis quelque temps
des poses bizarres pour accomplir les gestes ordinaires de la vie.
    Il ne restait plus rien dans la
pièce des meubles de Bersumée. Le capitaine de forteresse les avait récupérés
trois mois plus tôt, immédiatement après la visite assez brutale que lui

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