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La Reine étranglée

La Reine étranglée

Titel: La Reine étranglée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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cria :
    — Gardes ! Gardes !
Qu’on appelle le chapelain.
    Rien ne lui répondit que le vent
d’hiver qui décrochait les tuiles dans les toitures.
    — Tu vois… dit Marguerite en
haussant les épaules. Je le ferai demander quand on nous portera notre dîner.
    Mais Blanche dévala les marches et
se mit à tambouriner sur la porte, au bas de l’escalier, en hurlant qu’elle
voulait voir le capitaine. Les archers de garde s’interrompirent de jouer aux
dés dans la salle du rez-de-chaussée, et l’on entendit l’un d’eux sortir.
    Bersumée arriva un moment après, son
bonnet de peau de loup enfoncé jusqu’aux sourcils. Il écouta la demande de
Marguerite.
    Le chapelain ? Il se trouvait
absent ce jour-là. Des plumes, un parchemin ? Pour quoi faire ? Les
prisonnières n’avaient le droit de communiquer avec quiconque, ni par voix, ni
par écrit ; tels étaient les ordres de Monseigneur de Marigny.
    — Je dois écrire au roi, dit
Marguerite.
    Au roi ? Ah ! Certes, cela
posait une question à Bersumée. Le terme de « quiconque »
désignait-il aussi le roi ?
    Marguerite parla si haut et
s’emporta si bien que le capitaine se laissa fléchir.
    — Allez, ne différez point,
s’écria-t-elle.
    Bersumée se rendit à la sacristie,
et rapporta lui-même le matériel pour écrire.
    Au moment de commencer sa lettre,
Marguerite eut une dernière révolte, un dernier mouvement de refus. Jamais
plus, si par quelque miracle son procès venait à se rouvrir, jamais plus elle
ne pourrait plaider l’innocence et prétendre que les frères d’Aunay avaient
fait de faux aveux sous la torture. Et elle était à sa fille tout droit à la
couronne…
    — Va, va ! lui soufflait
Blanche.
    — Rien en vérité, ne peut être
pire que ce qui est, murmura Marguerite.
    Et elle rédigea son renoncement.
    «… Je reconnais et confesse que ma
fille Jeanne n’est point enfant de vous. Je reconnais et confesse m’être à vous
refusée de corps, en sorte que l’œuvre de chair ne fut pas accomplie entre nous…
Je reconnais et confesse que je n’ai point droit de me regarder pour mariée
avec vous… J’attends, comme il m’a été promis de votre part par messire
d’Artois, si je faisais l’aveu sincère de mes fautes, que vous preniez en pitié
ma peine et ma repentance, et me remettiez en un couvent de Bourgogne…»
    Bersumée se tint auprès d’elle,
soupçonneux, tout le temps qu’elle écrivit ; puis il prit la lettre et
l’étudia un moment, ce qui n’était que simulacre car il ne savait pas très bien
lire.
    — Ceci doit parvenir au plus
vite à Monseigneur d’Artois, dit Marguerite.
    — Ah ! Madame, voilà qui
change tout. Vous aviez assuré que c’était pour le roi…
    — … à Monseigneur d’Artois
pour qu’il le remette au roi ! cria Marguerite. C’est écrit en tête !
Êtes-vous si sot que de ne pas le voir ?
    — Ah ! Oui… Et qui portera
cette lettre ?
    — Vous-même !
    — Je n’ai pas d’ordres.
    Il ne put de toute la journée
décider de ce qu’il devait faire et attendit que le chapelain fût rentré pour
lui demander avis.
    La lettre n’étant pas cachetée, le
chapelain en prit connaissance.
    — Je reconnais et confesse… je
reconnais et confesse… Ou bien elle ment quand elle se confesse à moi, ou bien
elle ment quand elle écrit, dit-il en grattant son crâne beige.
    Il était un peu saoul et fleurait le
cidre. Néanmoins, il se rappelait que Monseigneur d’Artois l’avait fait
attendre trois heures dans le gel, pour prendre une lettre de Madame
Marguerite, et s’en était reparti sans lettre, en lui lançant des insultes au
nez… Il persuada à Bersumée de déboucher une bouteille, et, après d’abondants
commentaires, conseilla d’acheminer le pli, voyant poindre là quelques espoirs
personnels.
    Bersumée inclinait dans le même
sens, et pour des motifs qui lui étaient également propres. On disait beaucoup,
aux Andelys, que Marigny était tombé en disgrâce, et même on prétendait que le
roi lui intentait procès. Une chose était certaine : si Marigny continuait
d’envoyer des instructions, il n’envoyait plus d’argent. Bersumée avait perçu
brusquement ses arriérés de solde, trois mois plus tôt, mais rien depuis ;
et l’heure approchait où il n’aurait plus le nécessaire pour nourrir et ses
hommes et ses prisonnières. L’occasion n’était pas mauvaise d’aller s’informer
sur place de quoi il

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