La Reine Sanglante
assistance et fidélité ! Et maintenant, écoute-moi. Je vais commencer par ouvrir les cadenas et te délivrer.
– Bon, grogna Simon Malingre. Et ensuite ?
– Nous montons là-haut et emmenons la petite Myrtille.
– Où l’emmenons-nous ? fit Malingre, étonné.
– À la Courtille-aux-Roses, où nous nous installons, moi pour surveiller la petite et toi pour surveiller ton trésor. Puis, nous prévenons Buridan, et je puis t’assurer qu’il aura assez de confiance en moi pour croire tout ce que je lui dirai. Nous lui amenons Myrtille et, pour commencer, nous recevons de ce côté une honnête récompense.
– Admirable ! fit Malingre. Et je devine le reste. Nous prévenons ensuite monseigneur de Valois et, de ce côté-là, nous recevons également non seulement notre pardon, non seulement notre rentrée en grâce, mais encore une récompense d’autant plus honnête que nous aurons soin de nous la faire octroyer avant de conduire monseigneur jusqu’à Myrtille… Admirable ! te dis-je.
– Jusqu’à Myrtille, oui, acheva Gillonne, et par la même occasion jusqu’à Buridan que nous lui aurons prouvé être son fils ! En sorte que monseigneur entrera en possession de Myrtille et se débarrassera d’un fils gênant ! En sorte que nous avons droit à tout ce que nous voulons comme récompense !…
– Sublime ! s’écria Malingre, sublime !…
– Or ça, reprit Gillonne en se fouillant pour trouver les clefs, hâtons-nous et commençons par le commencement.
– Oui, fit Malingre, commence par ouvrir les cadenas, puisque tu as les clefs.
– Je les aurai laissées tomber, dit Gillonne au bout d’un instant, je ne les trouve pas… Ah ! les voici… »
Et Gillonne, qui venait de fouiller le cachot d’un regard circulaire, voulut se lever pour aller ramasser les clefs.
« Un instant de patience ! » dit Malingre, sans lâcher Gillonne.
Gillonne tressaillit.
D’un coup d’œil, elle calcula la distance qui séparait les clefs de Malingre, et elle comprit !…
« Mais les voici, les clefs ! dit-elle en les désignant àMalingre.
– Tiens, c’est vrai ! Comment sont-elles là ? Par ma foi, je ne les aurais pas vues tout seul, car ma vue baisse.
– Quoi qu’il en soit, Simon, si tu veux sortir d’ici, si tu veux que nous exécutions notre plan, il faut que je puisse ouvrir les cadenas, et, si tu veux que j’ouvre les cadenas, il faut que je puisse prendre les clefs, et si tu veux que je prenne les clefs, il faut que tu me lâches.
– Si je te lâchais, tu pourrais tomber et te faire mal. Or, je tiens tellement à toi que ce serait pour moi un crève-cœur si tu allais te blesser en cherchant à me sauver. Donc, je ne te lâche point. »
Gillonne s’avança donc vers les clefs, tandis que Malingre la tenait par un poignet aussi solidement qu’un noyé peut tenir la planche sur laquelle il s’est cramponné.
En quelques instants, Gillonne eut ouvert les cadenas, les chaînes tombèrent, et Simon Malingre se trouva libre.
*
* *
Lorsque le comte de Valois, délivré, comme on a vu, par le roi en personne, se rendit dans son hôtel après cet entretien où fut résolue la perte de Marigny, sa première idée fut de s’informer de Simon Malingre et de Gillonne. Son capitaine des gardes, après l’avoir suffisamment congratulé de son heureux retour, lui annonça que, fort heureusement, il avait pu s’emparer de Simon Malingre dans la nuit même où monseigneur avait été enlevé par une bande de truands.
« Et où est-il ? demanda Valois.
– Dans un bon cachot de ce manoir, dûment enchaîné.
– Qu’on l’aille chercher à l’instant ! qu’on le mène à la maîtresse tour de l’hôtel pour y être pendu. Ou plutôt, non ! Qu’on l’amène ici, car je veux l’interroger tout d’abord sur les causes de sa trahison. »
Le capitaine s’élança, tandis que Valois, se promenant de long en large dans sa grande salle d’armes, frappait les dalles d’un talon furieux et roulait dans sa tête des projets de torture dont le moindre eût fait tomber Malingre à la renverse d’épouvante, s’il eût pu en avoir connaissance.
La porte se rouvrit enfin et Valois s’arrêta, les sourcils froncés, en se tournant vers cette porte.
À la fin, il pâlit.
Au lieu de son capitaine lui amenant Malingre, ce fut une femme qu’il vit entrer, une femme vêtue de noir, le visage masqué de noir, et que, cependant, il reconnut à
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