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La Religion

La Religion

Titel: La Religion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Collectif
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tomber pour l’éternité. Le dessin de ses mamelons était perceptible sous le tissu et s’il ne se trompait pas, ils semblaient se durcir sous son regard. Mais sans doute se flattait-il quelque peu. En tout cas, la comtesse était une véritable beauté.
    Il ramena son regard vers son visage sur lequel deux taches de couleur venaient d’apparaître. Si Amparo incarnait une vigueur qui échouait à éteindre son innocence, de Carla émanait un air de tristesse retenu par le courage. Cela et plus encore. Bien plus, car il savait, d’instinct, que la diabolique instrumentiste, c’était elle. Il l’aima immédiatement et s’inclina.
    « Le plaisir est pour moi, ma dame, dit-il. Mais je dois vous avouer tout de suite que je ne suis pas chevalier. »
    Il sourit et Carla lui rendit son sourire, comme involontairement et avec une chaleur dont il perçut qu’elle la ressentait ou la révélait rarement.
    « Si vous le souhaitez, vous pouvez m’appeler capitaine, car j’ai tenu ce rang ou ses équivalents dans diverses armées. Je me dois d’ajouter, pourtant, que je suis désormais un homme de paix.
    – J’espère que vous me pardonnerez de ne pas vous avoir accueilli plus promptement, capitaine. » Son italien était raffiné, avec un accent qu’il ne parvenait pas à identifier. « Amparo insistait pour que nous jouions de la musique, comme telle est notre habitude. Sans habitudes, elle est un peu perdue.
    – Alors j’ai une dette envers elle, dit-il, car je n’ai jamais rien entendu de pareil. Vraiment, le plaisir ne m’a jamais transporté aussi loin. »
    Elle inclina la tête à ce compliment, et il saisit l’opportunité pour revenir à sa robe, qui était la plus fabuleuse qu’il ait vue de sa vie et qui s’accrochait à son corps un peu comme il le ferait lui-même si on lui laissait cette chance. Rencontrer deux femmes aussi désirables en un seul jour était une nouveauté fort bienvenue. Il était dommage qu’elles soient si proches l’une de l’autre, mais cette énigme pouvait bien attendre un jour de plus. Il croisa à nouveau son regard. Pouvait-elle lire ses pensées ? Il se mit à rire. Comment n’aurait-elle pas pu les lire ?
    « Est-ce que je vous amuse ? demanda-t-elle, en souriant à nouveau.
    – Je m’amuse de moi-même, répliqua-t-il. Et je suis empli de la joie de cette rencontre inattendue. »
    Il inclina la tête en ce qu’il espérait un geste gracieux, et elle l’accepta en faisant de même, mais de bien meilleure manière. Il passa le revers de ses doigts sur sa mâchoire, et cela lui rappela qu’il n’était pas rasé et que son apparence générale était plutôt grossière. Pas bien certain de comment procéder, il trouva refuge dans la simplicité.
    « S’il vous plaît, ma dame, dit-il, expliquez-moi en quoi je puis vous servir. »

MARDI 15 MAI 1565
    L’abbaye de Santa Maria della Valle
    MÊME LES PENSÉES les plus intimes d’un homme sont connues de Dieu. Comme le sont aussi les fantasmes de cet homme et ses peurs, sa honte, ses rêves, éveillés ou assoupis, et, par-dessus tout, ses désirs qui ne sont pas encore nés et dont il n’ose pas reconnaître l’existence, même par-devers lui. De ce genre de désir occulte jaillit l’erreur spirituelle. Et l’erreur spirituelle est la source de tout le mal humain. Par conséquent le désir doit être minutieusement examiné – et régenté – avec une vigilance incessante. Ludovico Ludovici était debout, nu et en sueur dans le lavatorium de marbre et d’or de l’abbé. Il y nettoyait sa chair de la puanteur pénétrante de la galère. Tout en le faisant, il procédait à son propre examen. La qualité de son esprit, et les forces élémentaires de son corps, le rendaient plus vulnérable que beaucoup aux abus du pouvoir. Et son pouvoir était immense. Il n’était pas seulement le plénipotentiaire de Sa Sainteté le pape Pie IV, mais aussi l’agent secret de Michele Ghisleri, inquisiteur général de toute la chrétienté.
    Dans sa main, Ludovico tenait un morceau de grosse toile rêche, avec lequel il frottait son visage et la voûte de son crâne. Il trempait la toile dans un tonneau d’eau tirée à la fontaine et adoucie de fleurs d’oranger et de feuilles de bétoine sauvage. Il aurait pu se servir d’éponges de la mer Rouge et de douces serviettes blanches et de toutes sortes de parfums et de baumes rares, car ces pièces avaient été mises à sa

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