La Religion
L’Inquisition empêchait la guerre. L’Inquisition était une bénédiction pour l’humanité perdue et dépravée. Ceux qui s’opposaient à l’Inquisition déshonoraient Dieu.
IL RINÇA LA TOILE rêche, et la roula pour laver les odeurs d’excréments des pores et des poils de ses fesses et de ses cuisses d’une pâleur de marbre. Ce faisant, il détourna la tête pour ne pas voir ses parties. Les vanités de l’intellect et du pouvoir, il les avait toujours mises en échec. Inspiré par Tomas de Torquemada, il avait refusé tous les privilèges, y compris le chapeau rouge que lui avaient offert deux papes successifs. Il était resté un simple frère. Au prix d’un sacrifice nettement plus grand, il avait refusé les chaires de théologie et de droit d’une douzaine de superbes universités. Ayant grandi dans l’opulence pour la découvrir affaiblissante et vide, il avait échappé à l’attraction de la richesse. Il vivait sur les routes, insensible au besoin, émancipé de la communauté humaine, lié seulement au Christ et à ses vœux, ambassadeur de la terreur ecclésiastique, épée voyageuse de la congrégation sacrée. En tout cela sa conscience était claire. Et pourtant, une fois, il avait été consumé par le désir. Une seule fois il s’était soumis à une force plus profonde que sa foi. Il avait été traîné jusqu’au bord de l’apostasie, par l’amour.
Il rinça à nouveau la toile rêche et frotta son autre jambe. La luxure était la plus vieille de ses ennemis, même si elle ne l’accablait plus avec la ténacité de la jeunesse, elle n’était pas totalement vaincue, même maintenant. Mais la luxure venait de la chair, son masque était transparent, et elle pouvait être transformée en une offrande de douleur. L’amour était venu dissimulé sous le manteau de l’extase spirituelle et avait parlé avec la voix de Dieu. Rien avant, ni depuis, n’avait semblé plus sacré, et même aujourd’hui il se demandait parfois si tout ce qu’il avait appris n’était pas imparfait, si la sagesse accumulée par les siècles n’était pas fausse et si cette voix n’était pas, en fait, la véritable expression du meilleur enseignement du Tout-Puissant. Et là – une fois encore – résidait le danger. La graine enterrée attendant son heure pour pousser. Le spectre de la femme qu’il avait aimée et, comme le révélaient ces méditations présentes, qu’il aimait encore était revenu des ténèbres du passé pour défier sa fidélité. Et pas seulement son spectre, mais sa personne. Sa chair vivante. Elle était ici, à moins d’une heure de là où il se tenait, nu et en érection.
Son sexe grandissait monstrueusement entre ses jambes. Il le sentait pendre et se tendre comme un chien de l’enfer au bout d’une laisse arachnéenne. Il rinça et roula la toile et nettoya la sueur et la graisse de ses aines et de son pubis. Il frotta ses couilles. Il frotta son membre et se contracta tandis qu’un spasme de luxure absolue le submergeait.
Dans son esprit, il la voyait avec une clarté parfaite, allongée sur le dos dans l’herbe de la berge, étalée dans les bourgeons de fleurs sauvages dont les parfums les enivraient tous deux. Mince et nue et blanche comme lait, elle était là, le visage rejeté en arrière, les lèvres ardentes entrouvertes, ses mamelons rougis et raidis, ses cuisses écartées, sa vulve gonflée, ses bras sans défauts grands ouverts. Elle le voulait. Elle tremblait et criait et ses yeux verts s’écarquillaient et papillonnaient de son extrême désir. C’était son besoin – de lui – qui l’avait poussé au bord de la folie. De son envie de lui, il n’aurait jamais son content.
Une vague de désir ardent se leva et monta, écumant du fond de ses entrailles, et il grogna tandis que des démons hurlaient pour que la vague explose. Quelques secondes volées à l’océan du temps et l’agonie cesserait. Mais seulement pour un temps. Il perçut son ange gardien près de son épaule, sentit sa main froide et spectrale toucher sa tête pour lui remémorer que c’était ainsi que le diable l’avait trompé jadis. Mensonge que d’imaginer que, en commettant un péché moindre, il pourrait prévenir d’une quelconque manière la commission d’un plus grand, comme si le mal était quelque chose qu’on pouvait boire d’une coupe de cristal et pas d’un marais fétide dans lequel on plongeait la tête la
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