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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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bracelet d’ivoire :
    — Ma chérie, Marie de Sévigné a reçu une dépêche de Condé tout à l’heure. Il y a trois jours, vingt mille cavaliers ont traversé le Rhin. L’armée néerlandaise les attendait sur l’autre rive. Charles a été touché par une balle ; il est mort sur le coup.
    Blanche pousse un cri d’animal qu’on égorge et s’évanouit. Blase la porte sur son lit. À son chevet, sa marraine passe un linge humide sur son front. Blanche se redresse, hagarde :
    — Je veux l’embrasser une dernière fois !
    — Son corps a été rapatrié à l’hôtel de Condé. Nous irons lui faire nos adieux.
    — Il déteste les adieux, sanglote Blanche.
     
    Le lendemain, dans la cour de l’hôtel, des carrosses déposent les amis des Longueville et des Condé venus saluer la famille du défunt. Blanche tient à peine debout. Dans un salon tendu de tapisseries de haute-lice, des visiteurs se recueillent près du cercueil entouré de lys blancs au-dessus duquel Bossuet balance un encensoir. Blanche s’approche de la dépouille de Charles. Les mains jointes sur la poitrine, vêtu de son uniforme de chevau-léger, il a ce visage d’ange de leur dernier matin. Armée d’un goupillon, elle dessine une croix, s’attarde un instant. Ninon lui prend le bras, l’entraîne au-dehors. Au passage, elle salue Condé, Laure, la duchesse de Longueville et La Rochefoucauld. Attaché au tronc d’un chêne, T’en-fais-pas est couvert d’un drap noir. Blanche caresse son museau fumant et regagne le carrosse de Ninon.
    — Je n’ai pas pour habitude de répéter ce qu’on me confie, mais La Rochefoucauld m’a dit que Charles t’aimait, avoue la marraine.
     
    Le soleil inonde la chambre rose. Yeux mi-clos, Blanche n’a la force ni de se lever ni de manger. Des images reviennent par bouffées. Charles dans le cabinet rouge de l’hôtel Guénégaud. Il ouvre la fenêtre, s’envole. Elle lui tend les bras, croit entendre : « Rejoins-moi. » Ses paroles se perdent dans les nuages. Il l’embrasse sous le massacre d’un sanglier ; elle ne sent pas ses lèvres. Son corps est devenu irréel. Elle se perd dans un labyrinthe de verdure, croise Laure. Essaie de dire son texte. Rien ne sort de sa bouche. Elle pose sa main sur l’oreiller. Le cherche, le cherche encore.
    Dans un tiroir, elle retrouve le mouchoir brodé, murmure :
    — Je t’ai aimé trop jeune. Ma jeunesse est passée. Elle a passé trop vite. Comme toi.
    Une petite voix lui dit que bientôt, sur les planches, elle pourra vivre avec sa peine.

23
    Les jours estompent peu à peu les couleurs crues des chagrins. Certains soirs, Charles réapparaît dans ses rêves. Blanche le guette encore : il portera son tablier de marchand de vin. Ils en riront, ils boiront et tout redeviendra comme avant. Blase, Dahuh et Ninon font tout pour qu’elle retrouve sa joie de vivre, Marquise lui apporte des dessins. Amaigrie, pâlichonne, Blanche se remet doucement, comme après une longue maladie. Un matin, Blase lui tend une lettre d’Athénaïs :
    Mon amie, je partage ta douleur. Charles était un prince. Que Dieu l’accueille en son Royaume et t’aide à surmonter cette épreuve. Le 14 juin, la reine a mis au monde un fils nommé François. Quelle coïncidence ! Le 20 juin, j’ai donné un second garçon au roi. Il s’appelle Louis-César. Il est costaud comme un Turc. Il remplacera ma petite fille emportée par la fièvre en février. La guerre risque de se prolonger ; le roi tient à ce que nous le suivions. Nous risquons de ne plus nous revoir avant longtemps. Quand je pense qu’il va me falloir supporter Louise, j’en ai la nausée. La présence de madame Scarron me sera d’un grand réconfort. C’est une femme intelligente. Nous nous entendons très bien.
    Le discours de La Grange a terrassé la duchesse de Bouillon. Aglaé est restée auprès d’elle. Je respire…
    Avec toute mon affection. A de M.
    En juillet, à Villarceaux, Ninon redouble d’attentions. Pendant que Marquise dessine sur l’herbe grasse sous la surveillance de Dahuh, elle brosse la longue chevelure brune de sa filleule :
    — Tu devrais manger un peu de cette terrine de lapin, ma chérie. Tu es maigre comme un coucou.
    — Je n’ai plus goût à rien.
    — Regarde ! Ce cavalier, au bout de l’allée, n’est-ce pas Antoine qui revient d’Amérique ? s’écrie Ninon en s’élançant vers son fils.
    Blanche grimpe dans sa chambre, délaisse son

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