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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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bourreau, amant de la Voisin, lui bande les yeux. Du revers de sa manche, il s’essuie le front où la sueur perle. La marquise monte à pas lents sur l’échafaud, s’agenouille, pose sa tête sur le billot. L’abbé Pirot récite un Pater. Blanche détourne la tête. Des badauds hurlent : « À mort ! », « Qu’elle aille en enfer ! » La hache tombe. Le tronc de Marie-Madeleine reste un instant figé, avant de s’affaisser. L’abbé Pirot fait un signe de croix.
    — Monsieur, n’est-ce pas un beau coup ? s’esclaffe le bourreau en débouchant une bouteille de vin.
    Blanche se réfugie sur l’épaule de Ninon. Le corps de la marquise est déposé sur un bûcher qui s’embrase. Le vent souffle sur les flammes. Ninon éternue :
    — Elle n’a que ce qu’elle mérite. Tiens, voici Marie de Sévigné !
    — Je n’ai pas pu résister au spectacle, confie la Sévigné. J’étais à la fenêtre d’une maison du pont Notre-Dame. Toute cette cendre au vent, nous la respirerons et, par la communion des petits esprits, il nous prendra bien quelque humeur empoisonnante dont nous serons tous étonnés.
     
    Il est neuf heures du soir ce mardi 20 juillet lorsque les grilles de Versailles s’ouvrent. Au grand salon, on joue aux cartes. Le roi mise :
    — Mille livres pour voir.
    Habillée en point de France, coiffée de mille boucles, couverte de pendeloques de diamants, Athénaïs boit d’une traite un verre de vin de Champagne avant de jeter son collier de perles sur le tapis vert.
    — C’est le septième en dix jours, madame ! Les jeux sont faits ! prévient Monsieur.
    — Morbleu ! J’ai perdu ! Je mise mille cinq cents livres ! s’acharne Quanto.
    — Le prix d’un château ! postillonne une vieille duchesse.
    Dans sa robe violine, Blanche fait tourner sur son poignet le bracelet du roi. Elle déambule entre les tables. Les courtisans se saoulent, rotent, pètent, pissent dans les coins. Sur des banquettes de velours rouge, des officiers tripotent des chambrières. Blanche file dans ses quartiers. Deux heures plus tard, Athénaïs la secoue ; elle est ivre. Écrasée sur le lit, elle hoquette :
    — J’ai perdu. Le roi paiera. Je le saignerai : il me doit bien ça ! Je suis à bout. Il y a huit jours, Anne de Rohan-Chabot, la princesse de Soubise, cette grande bringue, froide et bête comme ses pieds, est venue souper. Elle portait des pendants d’oreilles d’émeraude. C’est un signal pour indiquer au roi que son mari s’est absenté. Pendant ma cure, Louis est revenu quelques jours ici. Il en a profité pour s’encanailler. Ce soir, la Soubise a rendez-vous avec lui… Allons les espionner.
    — Mais comment ? Par le trou de la serrure ? finasse Blanche.
    — Ne sois pas bête. Louis fait monter ses dames par un escalier dérobé qui conduit à ses appartements. Quand il laisse la clef à l’extérieur, c’est pour signifier qu’il attend une visite. La Soubise ne va pas tarder, titube Athénaïs.
    Les jeunes femmes s’enfoncent dans une aile abandonnée du château. Cachées derrière une tenture, elles guettent leur proie. Vingt minutes plus tard, une silhouette encapuchonnée surgit. Athénaïs tire Blanche par la manche :
    — C’est elle ! Allons nous coucher, il est deux heures du matin. Je ne tiens plus debout.
    Le lendemain, lors d’une promenade le long du Grand Canal, en compagnie du roi, de la reine, de ses suivantes, Athénaïs s’avance vers Mme de Soubise :
    —  Madame, je vous plains. Il paraît qu’à force de ne manger que du veau, du poulet bouilli, de la salade et des fruits, vous êtes devenue scrofuleuse. Votre ventre gargouille de vers, comme une pomme gâtée au-dedans.
    La princesse s’apprête à souffleter Athénaïs qui, nonchalante, pose sa tête sur l’épaule du roi :
    — Vous feriez mieux de rentrer chez vous, madame de Soubise. D’après mon médecin, votre mal est contagieux.
     
    Elle n’est pas au bout de ses peines : la chasse aux dames est ouverte. Début août, au cours d’un bal, le roi disparaît. Sur la terrasse, Athénaïs le surprend avec Mlle de Rochefort-Théodon, brune bien en chair de vingt ans. Écumante, elle fond sur Blanche :
    — Je ferai savoir à Louis que cette bécasse a des dartres dans sa chatte. Point de lendemain !
    Blanche se désespère de voir le roi la lutiner à son tour. Au bosquet du Bois Vert, près du bassin de la Sirène ou près de la grotte de Thétis, chaque

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