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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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dormir un peu avant qu’on m’habille pour la soirée.
    Au souper, le roi déguste son fondant au chocolat qu’il juge digne de Vatel. Ce soir-là, il ne viendra pas honorer la marquise. Les jours suivants, non plus.
    Un matin où le soleil fait une percée, Chamarade, le portemanteau du roi, glisse un billet à Blanche.
    À une heure du matin, rendez-vous dans l’aile gauche, au deuxième étage. Au bout du couloir vous trouverez un escalier. La clef sera sur la porte. S. M.
    L’effet des pâtes ! Blanche s’y attendait. Le danger l’effraie, l’excite aussi. À minuit et demi, elle mouche ses bougies, passe en catimini devant l’alcôve d’Athénaïs. Un rai de lumière filtre sous la porte. Elle presse le pas. Dans les dédales sombres, araignées, rats et chats ensauvagés font la fête. Blanche grimpe l’escalier, fait tourner la clef, débouche dans un cabinet en rotonde tapissé de vert. Une ombre mouvante se dessine derrière un miroir à pied. La glace pivote. En chemise, une pipe ambrée au bec, le roi lui fait signe d’entrer dans une chambre où trône un lit couronné de plumes de paon. Elle s’adosse à la cheminée, il lui sert un verre de vin :
    — Nous nous languissions de vous, ma charmante. Depuis des mois, notre vie est un enfer : la guerre, les révoltes… et pour couronner le tout, cette fistule qui me fait souffrir le martyr. Si vous saviez combien votre douceur nous manque. Madame de Montespan a ses humeurs, elle me fatigue.
    Blanche lève les sourcils.
    — Vous me connaissez depuis longtemps, s’alanguit Louis. J’ai toujours éprouvé pour vous une tendresse à nulle autre pareille. Vous êtes insaisissable, intuitive ; les actrices me fascinent.
    — Je suis aussi la mère de Marquise.
    — Sachez que je ne l’oublie pas. Est-elle belle ?
    — Elle a vos yeux clairs, des cheveux couleur des blés. Elle illuminera la Cour…
    — Venez, nous en causerons plus tard, s’impatiente Louis.
    Blanche le suit vers le lit. Il la dévêt avec lenteur, promène sa main sur ses cuisses, son ventre, s’attarde sur son sexe. Prise de spasmes, la tête en arrière, elle gémit. Louis se glisse en elle. Elle pousse un petit cri. Lorsqu’elle retrouve ses esprits, elle entoure de ses bras graciles le cou de son amant :
    — Vous êtes royal ! Je vous aime.
    Le roi se poudre, enfile sa chemise :
    — Il nous faut rejoindre la reine. Nous eussions tant aimé passer la nuit avec vous. Demain, à la promenade, nous souhaitons que vous vous placiez au troisième rang. Nous désirons aussi que vous soyez de nos chasses à Saint-Germain. Allons, mon amie, mon devoir m’appelle.
    Louis raccompagne Blanche jusqu’à l’escalier dérobé, souffle les chandelles et disparaît derrière la vitre teintée.
     
    Le lendemain, en robe jasmin, Blanche longe le Grand Canal devant les marquises, lèvres pincées. Mme de Motteville se gratte la tête, Athénaïs la foudroie du regard. L’orage gronde. Panique générale. Des dames tentent de se hisser dans le carrosse du roi. Louis tend la main à Blanche.
    Deux jours plus tard, il la convie à sa toilette. Le mardi suivant, elle a le privilège de lui apporter son pot. Un soir sur deux, elle grimpe l’escalier pour se laisser câliner. Le roi se confie de plus en plus. Enfant, abandonné à des servantes, il aimait voler des friandises, épier les conversations sous les lits, se cacher dans les buis avec Margot, la fille d’un jardinier. Il est simple, naturel et cette intimité est pour Blanche la preuve d’une confiance qu’elle espère acquise.
     
    Comtesses et marquises commencent à jaser. Sa mine conquérante, son port de tête, ses sourires entendus sont l’objet de toutes les médisances. Moins sollicitée pour des entretiens privés, Françoise de Maintenon sombre dans la mélancolie.
    Un après-midi langoureux, la gouvernante joue aux échecs avec le duc du Maine dans le salon de rocaille. Elle interrompt sa partie, jauge Blanche :
    — Figurez-vous que, malgré mon âge canonique et ma naissance, madame de Montespan me pousse auprès du roi. Sans doute pour faire barrage à ces écervelées qui tournicotent autour de son plumage. Je n’entrerai pas dans ce jeu-là. On murmure que vous seriez en grâce, ma chère. Si je puis vous donnez un conseil, prenez garde…
    — Ne feignez pas la pudibonderie, madame de Maintenon, vous qui rêvez d’entrer dans le lit du roi. Qu’y puis-je si Sa Majesté apprécie ma

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