La Revanche de Blanche
humour :
— Quelle joie de te revoir ! Tu es ravissante. Le blanc te va bien au teint.
Blanche retrouve avec bonheur cette maison où tout lui parle son père. Elle demande à Marc l’autorisation de monter au premier. Marc est gêné :
— Tu vas être déçue, j’ai dû enlever les affaires de Ronan. J’y ai vécu un an avec une jeunesse qui m’a quitté en emportant l’argenterie.
Blanche s’affale sur un siège, soupire :
— Depuis la lettre que m’a remise Antoine, je n’ai plus de nouvelles de mon père, plus rien…
— C’est bon signe : les affaires marchent fort en Nouvelle-France. Il est propriétaire d’un vaste domaine, il a une flopée de marmots. La belle vie quoi ! Et toi, ma belle, que deviens-tu ? Es-tu toujours entre la Cour et tes jardins secrets ?
— Plus que jamais. Athénaïs a besoin de moi, Racine aussi.
— La Montespan, une belle salope ! Son cocu de mari est un saint. Ruiné, jeté aux oubliettes, il continue à poursuivre de sa haine l’homme le plus puissant de la planète. Je lui tire mon chapeau !
— Athénaïs est libre… proteste Blanche.
— Libre, mais cinglée. Quanto, comme la surnomme la marquise de Sévigné du nom de ce jeu italien qui signifie « combien », a fait expulser les habitants et démolir l’église pour se faire construire sa folie de Clagny. La bagatelle a coûté le quart du budget de la marine !
— Elle soutient de nombreux artistes, la défend Blanche d’une petite voix.
— Tu as l’air toute chose, ma biquette. Dis-moi ce qui ne va pas. Rien ne sortira d’ici ; je te le jure sur la tête de ton père.
— Je mets du temps à me remettre de la mort de Charles. Ce fut si brutal. Antoine de La Boissière, le fils de Ninon, m’a fait la cour. Si j’avais cédé, il m’aurait épousée. Quand j’ai appris qu’il se fiançait avec Aglaé de Bouillon, j’ai compris que je l’aimais.
— Tu perds ton temps, poupée. Il n’en vaut pas la peine.
— Parfois, des envies de vengeance m’assaillent, se raidit Blanche en buvant un verre de blanc sec.
— Holà ! N’envie jamais ce qui appartient aux autres. Va vers ceux qui te font du bien, ceux qui t’aiment. Fais confiance à ton talent et fiche-toi du reste.
— Il faut que je vous avoue… Je suis la maîtresse du roi. Il m’a donné une fille, rougit Blanche.
— Coquin de Louis ! Quel trousseur de jupons !
— J’aimerais que Marquise soit élevée à la Cour.
— Pauvre gamine, elle y perdrait ses couleurs. Laisse ta fille suivre son chemin. Allez, buvons un coup ! Au roi et à la liberté qui n’est pas pour demain.
Blanche avale un verre de château-margaux avant d’enfourcher sa jument. Sur le pavé de la place Royale, elle fredonne une vieille chanson bretonne. À la maison, Blase lui tend un pli cacheté aux armes d’Athénaïs.
10 juillet 1676
Ma chère amie,
Je tiens à te faire partager ma joie. Chaperonné par la Maintenon et d’autres dames pas du tout respectables, le roi est venu me saluer à Clagny. Je me tenais rougissante et timide parmi une assemblée de curieux. Louis s’approcha, se mit à me parler comme l’aurait fait Bossuet. Je l’ai interrompu d’un : « Inutile de me faire un sermon. » Il a ri, m’a entraînée vers l’embrasure d’une fenêtre. Nous avons parlé tout bas, pleuré, ri, encore pleuré. « Vous êtes fou », lui ai-je dit. « Oui, je suis fou puisque je t’aime toujours », m’a-t-il répondu. Nous fîmes une profonde révérence aux princesses et nous passâmes dans une chambre. La Maintenon grinçait des dents : « L’évêque de Meaux voulait les convertir ; il les a rapprochés » a-t-elle lancé à la cantonade. Après quinze mois d’efforts et de bonnes résolutions, nous sommes comme au premier jour.
Ma tendre amie, tu es la bienvenue à nos fêtes de l’été.
Ton Athénaïs .
Elle me doit une fière chandelle, se dit Blanche. L’idée de l’amitié, c’était moi, c’était Ninon. Demain, je serai à la Cour : la partie sera rude.
Le 16 juillet, à six heures du soir, Ninon propose à Blanche d’assister à l’exécution de la Brinvilliers place de Grêve. La marquise est condamnée pour trois assassinats. Il y a foule. À bord d’un tombereau, Marie-Madeleine d’Aubray, quarante-six ans, digne et droite, semble indifférente aux sifflets et aux insultes. Un jeune homme l’aide à descendre de la charrette. M. Guillaume, le
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