Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
Vom Netzwerk:
conversation ? se flatte Blanche.
    — Votre conversation ? Vos fesses, sans doute ravissantes ! s’échauffe la veuve.
    Entourée d’une volée de domestiques, sa traîne tenue par trois pages, Athénaïs s’avance vers son fils. Pas un regard sur Blanche :
    — Messieurs, veuillez balayer les crottes de mes ours. On marche dans la merde ici ! Madame de Maintenon, veuillez disposer.
    La marquise s’installe en face du petit duc, fait avancer ses pions :
    — Échec au roi ! déclare-t-elle avant de tourner les talons.
    Chiffonnée, Blanche sort faire un tour à l’Orangerie. Décolletée jusqu’aux aréoles, la marquise de Sévigné papote près d’un bassin avec la princesse Palatine. Elle toise Blanche :
    — Vous êtes très en beauté, mademoiselle. On dit que ça sent la chair fraîche en ce pays. Tout est bon au roi : paysannes, dames de qualité, pourvu qu’elles fassent semblant d’être amoureuses de lui.
    Blanche s’empourpre.
    — La Montespan ne décolère pas, poursuit la Palatine. Elle ferait mieux de se réfugier à Clagny.
    — Quanto devrait s’assagir. La faiblesse humaine est grande : on veut ménager les restes de beauté. Cette économie ruine plus qu’elle n’enrichit, s’évente Mme de Sévigné.
    — La Maintenon lui fait de l’ombre. Elle a fort rôti le balai, cette vieille guenipe. La gueuse pue l’ail ! rit à gorge déployée la princesse Palatine.
    — Il faut parfois se méfier des vieux. Monsieur de La Fontaine m’a raconté l’histoire d’un vieillard moqué par deux jouvenceaux. Ils sont tous les deux morts avant lui, réplique Blanche avant de se dandiner vers l’Orangerie à la recherche d’un peu de fraîcheur.
    Pommettes rouge sang, dents pourries, poudrées, parfumées, vérolées, six vieilles duchesses se bourrent de fruits confits. Blanche se pousse du col : c’est le moment. Si je veux être respectée, il faut m’imposer. De sa voix perchée, elle lance à la cantonade :
    — Mesdames, je vous prie de vous lever quand je fais mon entrée.
    Ces gourdes obtempèrent. Elle éclate de rire.
     
    Les roses du parterre occidental embaument. Par crainte des foudres d’Athénaïs, Blanche a l’intention de l’amadouer. Elle toque à sa porte. La Des Œillets sort de la pièce, comme une hirondelle. La demoiselle à double queue fournit Athénaïs, en déduit Blanche étonnée de la voir s’introduire dans la chambre de Mme de Maintenon.
    Cette grenouille de bénitier serait-elle, elle aussi, friande d’aphrodisiaques ?

28
    Le 20 septembre 1676, le roi embarque ses divines à Marly. On courre le cerf. Ça sent la châtaigne. Dans le carrosse, un laquais déballe un panier de victuailles. Athénaïs grignote une tranche de saucisson, la Palatine une cuisse de poulet. Au détour d’une clairière, Quanto triomphe :
    — Louis, j’ai la joie de vous apprendre que je suis de nouveau grosse.
    Le roi dodeline de la perruque. Françoise pique du nez. Une tranche de rôti dans le gosier, Blanche s’étrangle.
     
    Après dix journées de battue, la Cour s’en retourne au château de Saint-Germain. Blanche abandonne la compagnie pour passer quelques jours à Paris. Il est minuit. La voiture roule à travers bois. Au détour d’un taillis, les chevaux hennissent, se cabrent. Le cocher étouffe un cri. Deux Noirs arrachent la portière, agrippent la jeune femme.
    — Suivez-nous, ordonne un malabar, des biceps comme des ballons.
    — Au secours ! se débat Blanche.
    — Ta gueule ! crache un gringalet aux oreilles décollées, son sabre pointé vers la nuque de la jeune femme.
    Les bandits la forcent à descendre, la bâillonnent. Le mastodonte la hisse sur ses épaules. La tête à l’envers, Blanche le talonne. Sur le sable, le cocher gît dans une flaque de sang. Jetée dans une charrette, on lui attache les bras avec une cordelette. Secouée comme un sac de pommes de terre, elle scrute la nuit. La lune est pleine.
    Au terme d’un trajet interminable, la charrette s’arrête devant une grosse ferme. Deux bouledogues s’agitent au bout de leurs chaînes, montrant leurs crocs phosphorescents. Poussée par ses geôliers, Blanche entre dans une pièce tendue de rouge, meublée de tables de jeux, de sofas moelleux. Le petit nègre la fait monter à l’étage par un escalier de bois. Dans une chambrette rustique, il lui enlève son bâillon, dénoue ses liens. Blanche se précipite à la fenêtre. La lune joue à

Weitere Kostenlose Bücher