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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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profite pour fourrer le bout de papier dans la poche de sa veste, reprend la pose. Le curé postillonne :
    — J’aime ton visage, tu as l’air d’une Marie-Madeleine,
    L’argent empoché, Blanche abandonne le prêtre dont les bas jaunis flottent sur les mollets. En bas, une bagarre a explosé. Deux clients se disputent une bohémienne échevelée. Soufflets, coups de poing, cliquetis d’épée. Blanche croise les doigts dans l’espoir que le curé remette son billet à Ninon.
     
    Six jours ont passé. Blanche a refusé de se nourrir, s’est plainte de douleurs d’estomac. On lui a fait boire du vinaigre, des infusions. La maquerelle l’a menacée. Elle s’est soumise. Un homme-tronc lui a chatouillé le menton. Un duc sénile lui a tâté les tétons. Un puceau a tenté son coup.
    Ce soir, la mère Michel a rassemblé ses filles. Pigeonnante, elle frétille :
    — Mesdames, le patron ne va pas tarder. Mangez chaud, fardez-vous, flattez-le, il vous le rendra.
    À la nuit tombée, un gaillard barbu, joufflu, ventru, emmailloté dans un pourpoint brillant, fait une entrée fracassante. Les cocottes se lèvent, font mille révérences. Le maquereau bombe le torse :
    — Bonsoir, mesdames, je vois que vous êtes bien nourries. Mon père, François de Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort, petit-fils d’Henri IV, avalait dix œufs avant la bagatelle. Je vais vous faire une confidence. En 1669, pendant l’attaque contre les troupes ottomanes, on l’a déclaré décédé. Son corps ne fut jamais retrouvé. J’ai la preuve qu’il est embastillé à Pignerol. Le masque de fer, c’est lui. Le roi, cette vermine, ne le lui a jamais pardonné d’avoir été un des chefs de la Fronde. Allez, buvons et festoyons, poulettes !
    Blanche frémit : ce crétin est le fils du duc de Beaufort, celui qui a violé ma mère ! Ce salaud qui se pavanait chez Mme du Plessis-Guénégaud le jour où Charles m’a embrassée dans le cabinet rouge.
    Des habitués rappliquent. La mère Michel prend Blanche par la taille, l’installe à la droite d’Hugo. On sert des pâtés. Le duc a la main baladeuse. Ni une ni deux, Blanche lui assène un coup de pied bien placé.
    — Elle résiste la petite, j’aime ça ! se délecte Hugo.
    Les courtisanes se jettent sur les victuailles. On ripaille, on se bascule sur les tables, on se gamahuche, on s’embroche par-devant, s’encanaille par-derrière. L’orgie bat son plein lorsqu’un officier pousse la porte.
    — Antoine ! se réjouit Blanche qui trotte à quatre pattes.
    La Boissière se faufile entre les couples enlacés, les tables renversées. Il relève Blanche, l’attire vers la sortie, tire des coups de feu sur les chiens :
    — Cours vers mon cheval, vite !
    Elle prend son élan. Antoine la hisse sur Bucéphale. L’étalon galope à brides abattues à travers champs. Aux portes de Paris, les jeunes gens sautent à terre, visent une taverne. Le nez dans la mousse d’une bière blonde, Blanche hoquette :
    — Merci, Antoine, tu as été fort !
    — Tu as dû avoir peur, ma puce. Comment as-tu atterri dans ce bordel ?
    Blanche évoque l’attaque de la voiture, les grands Noirs, le curé, les huit jours d’attente…
    — Tu as été maligne. Par chance, le curé connaissait Ninon. Il s’agit de l’abbé Petiot, celui qui a soutenu la Brinvilliers devant l’échafaud. Ma mère m’a aussitôt prévenu. Cette histoire me paraît louche. On va demander à Guillaume d’enquêter…
    Blanche boit une deuxième gorgée de bière. Ses yeux virent au marron :
    — As-tu fixé la date de ton mariage ?
    — Petite curieuse ! Il n’y a aucune urgence. Je prends le large. Nous lèverons les voiles sous peu, direction l’Afrique, une escale en Espagne. Ordre de Colbert. En attendant, tu as besoin de repos. Les galipettes, ça fatigue !
    — Tu me prends pour qui ?
    — Pour une jolie fille qui plaît au roi. Tu files un bon coton, Blanchette, profites-en. Allez, princesse, je te raccompagne, dit-il en jetant deux pièces sur la table.
    À califourchon sur Bucéphale, Blanche reste muette jusqu’à la place Royale.
    — Tu reviendras quand ? se tortille-t-elle devant son hôtel.
    — Va savoir ! Ne t’inquiète pas. Je serai toujours là pour te tirer d’affaire. Je te rapporterai une corne de taureau. Adiós, niña  !
    Sur le trottoir, Blanche chasse la poussière de sa jupe. Rien n’est perdu. J’ai vingt-cinq ans ; je vais reprendre des

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