Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
Vom Netzwerk:
cache-cache avec les nuages.
    — Où suis-je ? s’affole Blanche.
    — Pose pas de questions ! ordonne le maigrelet qui sort en fermant la porte à double tour.
    Terrifiée à l’idée d’être dévorée par les chiens ou jetée dans une cave, Blanche tambourine, injurie, brame. Face au ciel pommelé, elle s’interroge : qui a commandité cet enlèvement ? Si Athénaïs avait voulu m’exclure, elle m’aurait mouchée devant le roi. Fourbe comme elle est, la Maintenon a-t-elle manigancé ce rapt ? Ça ne lui ressemble guère. Après m’avoir piqué Antoine, Aglaé a-t-elle voulu m’achever ? Lasse de se torturer en vain, elle finit par s’endormir. Se réveille à midi, la tête lourde. Deux robes ont été posées au bout de son lit, l’une rouge, l’autre jaune citron. Sur le sol, des bas, des escarpins. Drôle de prison ! Le baraqué apparaît. Turban sur la tête, boucles d’oreilles, sarouel de soie bleue, étrangement élégant, il l’invite à s’habiller, à descendre se restaurer. De plus en plus intriguée, Blanche passe un peu d’eau sur son visage, enfile la robe citron, les escarpins trop larges pour elle, rejoint la salle basse. Autour de quelques tables, une dizaine de femmes jouent aux cartes, plaisantent. Des serviteurs proposent des liqueurs. Blanche s’approche d’une coquette maquillée comme un carrosse volé :
    — Puis-je savoir où nous sommes ?
    — Dis donc, princesse, tu es née de la dernière pluie ou quoi ? T’es à Ménilmontant. Ici, c’est le royaume des catins. Des messieurs très bien nous honorent, nous paient grassement : tu t’y feras !
    Blanche bondit vers la porte d’entrée :
    — Je ne resterai pas une seconde de plus dans ce bordel !
    Le grand Noir l’empoigne, grogne :
    — On ne sort pas d’ici sans ma permission, ma belle.
    Elle se laisse tomber sur une chaise. Une vieille édentée lui sourit :
    — Faut faire bonne figure, petite. Le patron ne pardonne rien.
    — Qui est le patron ? se dresse Blanche.
    — On l’appelle Barbe Bleue ! Son petit nom, c’est Hugo. Un de la haute ! chevrote la vieille. On dit qu’il est le fils du roi des Halles.
    Blanche cherche des yeux une issue de secours : les fenêtres sont grillagées. Affamée, elle dévore une tranche de pain beurrée. Autour d’elle, les filles de joie dévisagent la nouvelle recrue. Un homme en manteau noir pénètre dans la salle, ôte son couvre-chef.
    — Vl’à le curé, confie la vieille. Il se déguise en livreur de livres, mais c’est un haut dignitaire de l’Église.
    La soixantaine goguenarde, perruque noire poisseuse, il fixe Blanche de ses yeux de buse. La mère maquerelle ordonne à Blanche de la suivre. Dans un cabinet de toilette rempli de bassines, cruches, onguents et fards, elle la sermonne :
    — Va falloir que je t’apprenne le travail. Pour l’instant, lave-toi. On te réclame.
    — Plutôt crever ! Foutez-moi la paix !
    La mère Michel sort un fouet de sa ceinture, le brandit sous le nez de Blanche :
    — Si tu n’obéis pas, tu auras affaire à moi. Le client n’attend pas.
    Blanche aperçoit sur une table des crayons et du papier. Une idée lui vient : il va falloir ruser. Dès que la matronne a le dos tourné, elle rédige un mot en vitesse :
    Merci de donner ce billet à Ninon de Lenclos, hôtel de Sagone, sis, rue des Tournelles.
    Ninon, je suis prisonnière à Ménilmontant, dans un bordel, viens me chercher ou envoie Guillaume. Blanche.
    D’autres clients sont arrivés : puceaux, vieillards, poivrots… Le curé frétille. D’une voix caverneuse, il glisse à l’oreille de Blanche :
    — Montons à l’étage. J’y ai mes habitudes.
    Dans la chambre, dos au mur, Blanche croise les bras.
    — Asseyez-vous, nous allons faire connaissance. Comment faites-vous pour être aussi jolie, Jésus-Marie ? bavasse le faux livreur.
    Au bout du lit, Blanche fait le dos rond. Le curé plaque ses pattes sur ses genoux, son crâne graisseux contre ses seins. Elle le repousse, se plante devant lui :
    — Paie d’abord ! On verra après ce qu’on peut faire avec toi.
    Le bonhomme pose dix livres sur une table de nuit coiffée d’un bougeoir en forme de sirène.
    — C’est vingt livres ou rien, exige Blanche.
    Le prêtre compte ses pièces avec parcimonie :
    — Maintenant, caresse-toi, miaule-t-il.
    Blanche glisse sa main sous sa jupe, fait mine de se donner du plaisir. Yeux clos, le client se soulage. Elle en

Weitere Kostenlose Bücher