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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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pour chasser, folâtrer. Il a acheté quelques terres dans les alentours, chargé Le Nôtre d’assécher les marais environnants, d’agrandir les jardins, de mettre de l’enfance dans cet ensemble qu’il souhaite primesautier. L’intérieur du château a été embelli et redoré par Le Brun. Dans l’aile nord, les appartements du roi. Dans celle du sud, on accède au domaine de la reine par un large escalier de marbre noir et corail. Les chambres de la Grande Mademoiselle, d’Anne d’Autriche, de Monsieur et de Madame donnent sur le parc. Sous les toits, à côté du refuge du Dauphin, le roi a fait aménager une salle de billard. Les suivantes sont logées au rez-de-chaussée, près du cabinet des bains au décor aquatique. Réalisés sous la houlette de Colbert, surintendant des bâtiments, les premiers travaux de ce nid d’amour ont déjà coûté cinq cent mille écus.
    Les comédiens gagnent le salon réservé à la comédie. Le décor est monté en un rien de temps. Musiciens et danseurs se dérouillent.
    — Répétition générale ! Représentation demain, rappelle Molière.
    Blanche est nouée. Venue pour soutenir la troupe, Madeleine Béjart enlace sa taille :
    — Tu es pâle. Surtout ne va pas tomber malade. Le trac est une force dont il faut tirer parti. Noue une ficelle à ton poignet gauche, bois un peu de lait et ça ira.
    Après quelques ajustements, les comédiens soupent d’une potée. Dans une chambrette des communs qu’elle partage avec Madeleine, celle-ci se confie :
    — Je suis un peu lasse, pardonne-moi.
    — Votre vie a dû être passionnante…
    — Au début, oui. Jean-Baptiste et moi, nous nous sommes tant aimés ! Nous logions avec la troupe… Les tentations sont grandes. Molière m’a trompée avec Marquise Du Parc, puis avec Catherine de Brie. Elles l’amusaient, je suis trop sérieuse. Ma fille, Armande, était une enfant. Elle adorait Jean-Baptiste, lui faisait mille caresses. Afin d’éloigner mes rivales, j’ai favorisé ce lien. J’espérais attacher ainsi mon compagnon, qu’il se comporterait comme un père. Dans ma naïveté, je ne pouvais imaginer qu’il tomberait amoureux de la petite. Quand j’ai découvert qu’il couchait avec elle, j’ai cru mourir. Il a su se faire pardonner, a continué à m’honorer jusqu’au jour où il m’a avoué qu’il l’épousait. Je me suis rendue à la raison. Je n’ai pas la rancune obstinée.
    Blanche lui prend la main et s’endort songeant à ce qu’a enduré cette belle âme.
     
    Réveillée par un rayon de soleil, elle se dépêche. Toute la journée, les répétitions se suivent sans interruption. À neuf heures du soir, chacun se prépare dans une petite pièce attenante à la salle de la comédie. Dans quelques minutes, le spectacle va commencer. Dans l’embrasure de la porte, Blanche jette un petit coup d’œil sur l’assemblée. Vêtu d’un habit de velours bleu, d’une veste rouge, d’un jabot de dentelles, le roi siège au premier rang, à deux pas. Ce qui la frappe chez ce beau jeune homme de haute taille, à l’épaisse chevelure brune, c’est le contraste entre l’autorité qui se dégage de sa large carrure et la douceur de ses traits, ses joues grêlées par la petite vérole, sa bouche sensuelle, ses yeux rêveurs et espiègles. Il rit avec une jeune femme ravissante, l’air enfantin. Blanche devine qu’il s’agit de Louise de La Vallière. Le 7 janvier dernier, la maîtresse du roi a mis au monde, en toute discrétion, un second bâtard, Philippe, que le chirurgien, Boucher, a aussitôt confié à deux anciens serviteurs de Colbert. À gauche de Louis, une créature altière, chevaline, nez bourbon, dos rond : Henriette d’Angleterre a du chien. Ses bouclettes et ses pendants d’oreilles en rubis assortis à son collier font oublier les caprices de la nature.
    Au bout du premier rang, Aglaé de Bouillon tend son long cou gainé de rangs de perles. Monsieur se penche vers elle. Petit, rondouillet, noiraud, visage en sifflet, long nez, bouche en cul-de-poule, édenté, une perle à l’oreille, le duc d’Orléans a reçu une éducation de fille afin d’éviter qu’il ne conspire contre son frère, comme en avait usé son oncle, Gaston. Il ne cache pas ses attachements aux garçons de sa suite. Près d’eux, enrubannée jusqu’aux cheveux, la Grande Mademoiselle roule ses yeux globuleux en agitant un éventail. Au second rang, Athénaïs, en rouge et bleu, les couleurs

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