La Revanche de Blanche
froufroute :
— Que puis-je faire pour vous être agréable ?
— Nous avons l’ordre de vous conduire au couvent des Bénédictines.
— Une belle fille comme moi, vous n’y pensez pas ! Vous me plaisez bien, tous les deux, minaude Blase. Et moi, je vous plais ?
— Allons, allons, cette affaire est ordonnée pour votre bien, s’amuse Ninon.
Les huissiers poussent Blase dans leur voiture. Ninon agite un mouchoir avec ostentation. Enfin partis, elle court chez Blanche. Revenue tard du théâtre, la jeune fille dort à poings fermés.
— Notre farce a marché. Dans huit jours, Blase s’évadera : on verra bien qui rira le dernier, s’esclaffe Ninon.
— Je crains que mes frères s’aperçoivent très vite de la supercherie.
— Au moins aurons-nous gagné du temps !
Blase ne tarde pas à réapparaître. Le vendredi suivant, Guillaume se fait annoncer. Il avait neuf ans quand Émilie est partie pour Locronan. Il en a aujourd’hui vingt et un. Petit, bouclé, pommettes rebondies, élégant dans son habit noir, l’avocat est plus intimidé que sa sœur :
— Il y a si longtemps, si longtemps que j’attendais ce moment.
Touchée par sa gentillesse et sa réserve, Blanche l’embrasse :
— Nous allons bien nous entendre. Tu me protégeras ?
— Allons, les enfants. Point d’embarras. Venons-en à notre affaire, s’impatiente Ninon.
— Notre mère était une femme pleine de bon sens ; elle n’a pas voulu laisser Blanche sous la tutelle d’Augustin et de Benoît. Ils ont des appuis sûrs au Parlement. Il n’y a qu’un seul moyen : s’en remettre à un plus puissant qu’eux, propose Guillaume.
Des cris montent de l’entrée. Chenu, ridé, les cernes boursouflés, puant l’égout, Augustin se rue sur Ninon :
— Vous avez voulu nous tromper, madame. Votre jeu est découvert. Les religieuses nous ont prévenus.
— Nous venons chercher celle qui par malheur est notre sœur, gueule Benoît, bedonnant aux joues cramoisies.
Blanche se réfugie derrière un rideau du lit de sa marraine.
— Tout doux, malotrus, les mouche Ninon avec un calme déroutant. Ma petite Blanche n’est pas à disposition. Elle bénéficie d’une protection qui en étonnera plus d’un.
— Qu’entendez-vous par là ? glapit Augustin.
— Il s’agit du roi. Si vous avez des requêtes ou des exigences, c’est à lui que vous devrez vous adresser.
— Prouvez-le !
— Qu’à cela ne tienne !
Ninon se dirige vers un secrétaire d’où elle sort, avec lenteur, une lettre cachetée du sceau royal. Elle la tend à Augustin qui lit, rageur :
Nous, Louis XIV, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, ordonnons que mademoiselle de La Motte fasse partie des dames d’honneur de la reine, car tel est notre bon plaisir.
Benoît pique du nez. Blanche est sidérée. Par quel subterfuge Ninon a-t-elle pu obtenir cette lettre ? Elle se colle à sa marraine. Augustin pâlit :
— Par quelle manœuvre galante ce pli est-il parvenu entre vos mains ?
— Cela ne vous regarde pas. Libérez mon plancher promptement, je vous prie, ordonne Ninon.
— Vous nous le payerez, madame, menace Benoît. J’imagine que vous êtes de mèche avec ce traître, braille-t-il se tournant vers Guillaume.
— J’eusse espéré plus de respect entre nous, en mémoire de notre père, se désole l’avocat.
— Gredin ! Tu n’es qu’un lâche, un raté, crache Benoît.
N’y tenant plus, Guillaume le saisit au collet, le secoue, le jette à terre. Blanche applaudit.
— Si vous touchez un seul cheveu de ma sœur, je vous traînerai en justice, s’écrie Guillaume.
— Vous perdriez ! le défie Augustin. Nous prouverons que cette petite a été élevée contre les principes de la religion. Nous trouverons d’autres moyens pour la remettre dans le droit chemin. Adieu !
Benoît se relève, suit son frère qui claque la porte.
— Pauvres types ! Durs de la tête et mous des pantalons, c’est fréquent, éclate de rire Ninon. La semaine dernière, je me suis rendue chez Athénaïs. J’ai déballé mes malles. Elle a secoué la tête, ne s’est pas fait prier. Deux jours plus tard, elle avait réussi à soutirer au roi cette aimable décision. Il n’a guère fallu le supplier pour qu’il te protège en te nommant demoiselle de compagnie de la reine.
— Merci, ma chère marraine, la félicite Blanche. Sans toi, je serais cloîtrée. J’espère que je ne devrai pas
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