La Revanche de Blanche
devine qu’il s’agit d’Olympe.
— Ce poison d’Henriette a réussi à convaincre le roi que vous étiez à l’origine de la lettre espagnole, Vardes et toi. On lit vos courriers, révèle Aglaé. On vous surveille…
— O Dio ! Nous allons être interrogés, panique Olympe. J’ai peur que le roi exige que nous retournions vivre en Champagne, mon mari et moi. Aglaé, vous qui êtes ma seule amie, pourriez-vous intervenir, prego !
— Vous me surestimez. Je ne saurais l’infléchir, je n’ai pas les armes. Mon temps viendra : il se lasse de Louise, Athénaïs l’effraie. Trop impétueuse.
Blanche serre les dents. Ses oreilles sifflent. Athénaïs a raison : Aglaé est aussi perverse que sa mère.
— Je me vengerai, fulmine la Mancini. Je frapperai là où ça fait mal.
— Que voulez-vous dire ?
— J’immolerai l’agneau, avoue Olympe. C’est toujours le plus pur, le plus innocent qu’on sacrifie. La Vallière est la victime idéale. Le roi ne s’en remettra pas.
— Comment allez-vous procéder ? s’échauffe Aglaé.
— Je vais consulter une chiromancienne célèbre, Catherine Monvoisin, dite la Voisin. Elle vend des philtres, des onguents, des poisons ; elle me procurera ce qu’il faut. Accompagnez-moi, ma belle. Louise disparue, vous aurez toutes vos chances.
Des pas résonnent près de la fenêtre… Terrifiée, Blanche recule dans l’embrasure.
— Le vent se lève, prévient Aglaé.
— L’orage arrachera encore quelques tuiles du Palais. Il pleut sur mon cabinet. Nous avons rendez-vous chez la Voisin demain, à la tombée de la nuit. Retrouvons-nous devant le palais à sept heures du soir, propose Olympe.
Aglaé et Olympe sorties, Blanche se précipite chez Athénaïs. La gorge sèche, elle lui raconte leurs complicités.
— Des harpies ! s’écrie Athénaïs. Louise est en danger : elles vont l’empoisonner. Blanche, je t’en supplie, pour l’amour de Dieu, rends-toi chez cette Catherine Monvoisin. Je me charge de son adresse. Tu te déguiseras en servante, tu attendras qu’elles s’en aillent et tu arracheras des aveux à cette femme en échange de ce collier.
La marquise ouvre un coffret de velours noir où repose une parure étincelante. Blanche glisse le collier à son cou, se regarde dans un miroir, frissonne à l’idée de jouer les intrigantes. Il faut sauver Louise, se dit-elle. J’irai sans mon lapin.
— Tu rêves, Blanche ? Allons rejoindre le roi.
La neige est tombée durant la nuit. La cour du Palais n’est que moutarde noire. Le laquais d’Athénaïs lui a indiqué où vivait la Voisin. Chassée du Pont-Neuf par les missionnaires et la Sorbonne, celle qui se présente comme chiromancienne consulte rue Beauregard. Blanche ira en chaise jusqu’à l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, à deux pas de son cabinet. Pas de temps à perdre : il faut arriver avant Aglaé et Olympe. Athénaïs supervise le déguisement de sa jeune amie : perruque blonde, robe de toile grise, cape noire. Blanche est prête.
— Tu es parfaite, ma biche. Ne te dévoile pas : la parure suffira à faire parler la Voisin. Je t’attendrai.
Prise d’une soudaine excitation par cette expédition dans les bas-fonds des faubourgs, Blanche envoie un baiser à Athénaïs du bout des doigts et se laisse porter par deux vaillants gaillards qui sifflotent la chanson du Bon roi Henri.
Dans le lacis des ruelles du quartier qui borde le vaste enclos Saint-Lazare, patauge une foule de mendiants, éclopés, porteurs d’eau, marchands, soldats et prêtres. Beaucoup vont assister aux retraites du Prieuré données par M. Vincent.
— Nous y sommes, mademoiselle, annonce un des porteurs. Nous allons boire un coup ; vous nous trouverez devant l’église.
Blanche saute dans une flaque d’eau. Des rats traversent la chaussée bordée d’échoppes. Un rayon de soleil perce entre les tours de l’église. La cloche sonne l’Angélus. Elle se signe. Après avoir demandé son chemin à des gamins, elle finit par trouver la rue Beauregard. Une vigne court sur la maison de la Voisin, une bâtisse de briques. Assise sur la margelle d’un puits, elle observe le va-et-vient des matrones, le passage de charrettes tirées par des ânes. Un peu plus tard, un carrosse s’arrête. Deux femmes chapeautées de capeline dissimulant leur visage en descendent. Au bout d’une heure, les visiteuses regagnent l’attelage. L’envie de rebrousser chemin tenaille
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