La Revanche de Blanche
l’ombre d’une charmille, il se cacha avec son premier écuyer pour écouter ce que disaient les jeunes filles. Il fut ému d’entendre Louise leur répondre : « La couronne n’ajoute rien aux charmes de sa personne ; elle en diminue même le danger. Il serait trop redoutable pour un cœur sensible s’il n’était pas le roi mais, au moins, il dégoûte de tout ce qui n’est pas de lui. »
Persuadée que leur amour est éternel, Louise ne voit pas que, dans l’ombre, des ennemis veulent sa perte. Il y a peu, un bandit s’est introduit par la fenêtre de sa chambre. Sa dame de compagnie s’est avérée être une espionne. Depuis, le roi fait garder la maison, goûter ses plats. À la mort d’Anne d’Autriche, Louise pleura. En ce printemps 1666, elle se réjouit : le deuil s’achève, les fêtes reprennent, le roi est tout à elle.
Blanche a pu sauver son lapin ; elle le caresse comme elle aurait aimé caresser Charles. Elle n’ose demander si elle pourra rester dormir au Palais-Royal. Aglaé félicite Louise pour son ameublement. Elle en fait trop, se dit Blanche. Un instant plus tard, elle se raisonne : après tout, la fille de Charlotte de Bouillon est peut-être meilleure que sa mère. J’ai bien fait de ne pas la critiquer devant la marquise de Sévigné.
Une fille de chambre, Mlle Bourlanesque, aide les demoiselles à enlever leurs manteaux. Athénaïs, Aglaé et Blanche s’assoient autour de Louise qui croque un biscuit.
— Comment faites-vous pour rester aussi fine ? l’envie Athénaïs.
— La chasse, les promenades à cheval, le grand air maintiennent. Je me réjouis que vous restiez parmi nous jusqu’en mai, ma chère. Votre mari, dit-on, a le sang chaud, la plaint Louise.
— Un sanguin doublé d’un parvenu. Il m’a traînée chez un changeur de la place Maubert pour mettre en gage mes pendentifs à trois branches garnis de diamants contre mille six cents livres. Il a osé me donner un pouvoir pour retirer mes pierreries et mes meubles déjà engagés. Je ne vais tout de même pas courir les usuriers. Jamais un Rochechouart n’aurait agi de la sorte, plastronne Athénaïs.
— Votre père vous aide-t-il ? se trémousse Aglaé.
— Il dépense une fortune pour la Tambonneau, sa vieille maîtresse, la coupe la Montespan. Il est couvert de dettes.
— Si Ninon était fortunée, je lui en parlerais, mais elle est si fauchée, avoue Blanche.
— Je demanderai à Louis de subvenir à vos besoins, propose Louise. Il ne me refuse rien.
— Merci, ma chère, je suis très touchée, mais je préfère que vous vous en absteniez. Mon tailleur me fera crédit, se froisse Athénaïs. Avez-vous remarqué qu’Olympe de Soissons a refusé de faire la révérence au roi ? La Mancini semble oublier qu’elle est surintendante de la reine, grâce à lui.
— Ne jetez pas de l’huile sur le feu, voulez-vous, la mouche Aglaé.
— Olympe a du tempérament. Elle est contrariée… il ne faut pas y attacher d’importance, soupire Louise.
— Vous êtes trop gentille. La Mancini est déchaînée, persifle Athénaïs. Elle n’a qu’une obsession : se venger d’Henriette.
— Pourquoi cette querelle ? demande Blanche avec une pointe de naïveté.
— Madame et la Mancini se détestent, déplore Louise. Dieu sait si elles furent amies. Avant mon arrivée à la Cour, elles se partageaient les faveurs de Louis. Olympe avait un salon, elle brillait. Elle se rêvait reine. Anne d’Autriche refusa qu’elle épouse son fils, la maria au comte de Soissons qui lui fit une ribambelle d’enfants. Quant à Madame, elle fuyait Monsieur pour batifoler avec le roi. Je fus son alibi. Elle ne me pardonna rien. Les deux belles-sœurs de Louis ne tardèrent pas à se consoler dans les bras de leurs amants. Olympe jeta son dévolu sur le marquis de Vardes, un séducteur cynique qui, dit-on, inspira à Molière son Dom Juan. Henriette s’amouracha du comte de Guiche, le plus bel homme de la Cour, expert en flatteries et, à mon goût, très vaniteux.
— Minette est attirée par les bougres. Comme Monsieur, Guiche raffole des blondins, se rit Athénaïs.
— Je m’en veux, poursuit Louise. C’est moi qui ai révélé à Louis les aventures entre Guiche et Madame. Il avait des soupçons, m’a harcelé de questions. Je l’ai attendu toute la nuit. À l’aube, j’ai cru que tout était fini. J’ai erré le long des berges, frappé à la porte d’un couvent de
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