La Rose de Sang
reprit Zéphyrine.
— Vénitien!
J'ai rien à voir avec vos histoires... Je... cherchais juste un morceau de
pain... quand ce fou m'est tombé dessus.
— Montre
tes mains.
A genoux, le dos
ployé par un titanesque genou de La Douceur, l'homme fut bien obligé
d'obtempérer. Il avait une énorme verrue sur l'index droit.
— C'est
toi qui m'as attaquée dans la cale. Qui t'a donné l'ordre de me tuer ? Parle ou
mon écuyer va te transformer en chair à pâté.
L'homme gémit :
— Noble
Dame, qui peut vous donner à penser... Je suis juste...
— Arrache-lui
les yeux, dit froidement Zéphyrine.
La Douceur ne se le
fit pas dire deux fois. Déjà, son poignard s'approchait d'un des globes
oculaires. Le malandrin, éperdu, hurla :
— Pas ça... Grâce...
! Je vais tout vous dire... Il y a trois mois, j'étais à Candie [11] , lorsqu'un
homme nommé Le Byzantin...
Zéphyrine réprima
un cri. Le Byzantin, l'âme damnée de doña Hermina, avait donc survécu à
l'explosion de l'Etna.
— ...
Vint me contacter au port sur la recommandation d'un ami de Venise. Il me donna
rendez-vous le soir même dans une maison de la ville. Je m'y rendis. Une dame
voilée me reçut. Elle me donna 1000 sequins d'or avec la promesse d'en recevoir
autant, si j'allais aussitôt à Malte me... m'occuper de vous, lorsque je lui
rapporterais la preuve que vous êtes morte..., et... elle voulait surtout...
— Ce
médaillon... Zéphyrine montra le pendentif en or qu 'elle portait
toujours sur elle.
— Oui...
Mais, sur le ciel..., je ne sais pas pourquoi... Elle m'a bien payé..., c'est
tout... Je vous jure, je n'ai rien contre vous, Signora.
— Je
le tue, gronda La Douceur.
— Lâche-le
! ordonna Zéphyrine.
— Mais...
— Obéis-moi.
La Douceur desserra
son étreinte, permettant à l'homme de se relever. Une de ses énormes paluches
tenait les poignets du Vénitien. A l'aide d'une courroie, il les attacha
solidement.
Zéphyrine s'assit
sur une caisse et réfléchit quelques instants.
— Si
tu parles sincèrement, je te donne ma parole que tu auras la vie sauve...
Sinon, je te jure que mon écuyer t'abattra comme un putois.
— Madame...,
protesta l'homme.
— Réponds
d'une façon simple et concise. Connais-tu le nom de cette dame ?
— Le
Byzantin me l'a présentée comme la signora Trinita Orlando.
« Le nom que se
donnait en voyage doña Hermina ! »
— Où
devais-tu la retrouver pour lui faire le rapport de ta mission ?
— Eh
bien, ou je revenais à Candie dans le mois suivant si je trouvais un bateau
après... hum...
— M'avoir
exécutée, acheva tranquillement Zéphyrine.
— M'oui... heu...
Enfin, vous étiez bien gardée par les chevaliers et... je m' suis embarqué avec
vous sur la Sainte- Marguerite, mais...
— Tu
n'as pas répondu à ma question, dois-tu toujours retourner à Candie maintenant
?
— Non,
passé soixante jours, je dois me rendre à Madrid... La signora Orlando y sera à
la prochaine lune.
Zéphyrine réprima
un tremblement qui l'agitait. Elle essaya de conserver une voix calme pour
interroger :
— Où?
— Où
quoi, Signora ?
— Où
as-tu rendez-vous avec la signora Orlando ?
— C'est
elle qui doit me déposer ses instructions chez l'armurier de la Plaza Mayor...
Je n'en sais pas plus...
L'homme paraissait
sincère. Quelle faible piste. Une fois de plus la louve était insaisissable.
Zéphyrine se racla la gorge.
— Et
cette dame était-elle seule dans sa maison de Candie ?
— En
tout cas, je l'ai vue seule, enfin juste avec Le Byzantin, ça, je vous jure...
Zéphyrine se laissa
aller à un instant de découragement, puis elle posa ses questions autrement.
— Je
te crois, mais essaie de te souvenir... A-t-elle parlé à quelqu'un? A-t-elle
nommé une personne, un serviteur, donné un nom ?
L'homme fronça les
sourcils, puis il murmura :
— Non,
je ne vois rien, sauf qu'un nouveau-né braillait dans la pièce à côté et que la
dame Orlando a crié « Fais taire Ricardo, Karolus, on parle affaires ici... »
La pâleur de
Zéphyrine dut effrayer le Vénitien, car il balbutia :
— C'était...
ça que vous vouliez,
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