La Rose de Sang
si dur? Je vous aime,
n'avez-vous aucune pitié, je souffre ! »
Suivant
l'heure de la journée, ses pensées devenaient belliqueuses.
«
S'il croit que je vais me mettre à ses pieds, ramper, lui demander pardon, il
se trompe bien. Après tout, ce qui est arrivé est de sa faute, il n'a pas voulu
m'écouter en Sicile ! Lui ai-je assez dit de se méfier de Charles Quint ! Mais
monsieur dirige tout, commande tout, et sait tout... Je ne vais pas me laisser
faire ! »
Zéphyrine
se trouvait dans cet état d'esprit le cinquième jour en fin d'après-midi,
lorsque passant par un col escarpé le petit groupe se trouva en face d'un
fabuleux panorama naturel.
— Machu
Picchu, fit Pando-Pando. Il désignait le pic d'une haute montagne. Ville
perdue, mauvais dieux blancs jamais trouver tambo [147] ! ajouta-t-il.
Epuisés
par l'ascension, Zéphyrine et ses compagnons se laissèrent tomber sur le roc en
détaillant cet inquiétant paysage.
Dominant
la vallée dans le bas de laquelle coulaient les eaux vertes de l'Urubamba, une
ville mystérieuse, véritable nid d'aigle perché à l'abri du Machu Picchu [148] ,
s'accrochait à la montagne.
Zéphyrine
se rendait compte que, si l'on passait par la vallée, la ville perdue serait
invisible. Deux autres mamelons rocheux entouraient la cité.
— Huayna Picchu [149] ...
Pata Marca! désignait Pando-Pando.
Frappée
par les trois pics rocheux dressés vers le ciel,
Zéphyrine
pensa soudain à la prédiction de Nostradamus :
«
Vous traverserez trois océans, Zéphyrine ! Sur les trois pics de trois
montagnes inconnues, lorsque les boules de feu tomberont du ciel, alors seront
enterrées les trois hydres, hideux...
haineux... horrible... Toujours, vous
connaîtrez tout sous le chiffre 3... La vie ! le sang ! la mort ! la richesse !
la pauvreté ! l'exil ! l'amour ! la gloire ! la haine ! la fièvre ! l'or ! la
passion ! Trois hommes se partageront votre vie... Le premier vous donnera son
nom et son amour, le second... »
— Vous venez, Zéphyrine...
Eh bien, vous rêvez, ma chère!
A
cet appel un peu sec de Fulvio, Zéphyrine se remit debout
Fulvio
tenait conférence avec Pando-Pando, Bois-de-Chêne Paolo et Piccolo. Demoiselle
Pluche gisait au pied d'un lama. Gros Léon était parti en repérage.
Désignant
la cinquantaine d'escaliers taillés dans le roc, leshautes
murailles grises, les temples, le palais de l'Inca, au centre le quartier de la
noblesse et les ruelles de la ville agitées du va-et- vient incessant des
habitants, le prince demandait à chacun son opinion sur la meilleure stratégie
pour s'introduire dans la cité Une seule gigantesque porte sévèrement gardée
filtrait les Incas et leurs lamas.
— Faut leur rentrer dans l'lard, capitaine, proposait Bois -de-Chêne.
— Attendons la nuit, fit Paolo.
— La porte sera fermée ! rétorqua Fulvio.
— Regardez ! fit Zéphyrine.
Elle
désignait hors des murailles des terrasses agricoles où travaillaient des
paysans andins. Un astucieux système d'irrigation provenait d'une source
actionnée par quelques hommes.
— Si nous pouvions descendre dans la vallée pour remonter
jusqu'à eux, il y a ensuite ce que je suppose être un cimetière. Sur cette
pierre, ils ont ligoté un mort ou un condamné. Un peu sur la gauche, voyez
cette toute petite porte basse dans le mur. Elle ne semble pas gardée. Tenez,
ils passent un de leurs morts.
Zéphyrine
montrait un cortège.
— Nous n'avons qu'à faire comme eux et porter un « cadavre ».
Avec
mauvaise grâce, le prince Farnello dut admettre que l'idée de sa femme était la
meilleure.
Gros
Léon revenait à tire-d'aile.
— Scélérate ! Soleil ! Serpent !
Il
confirmait la présence de doña Hermina dans la ville.
Par
les chemins détournés, on descendit dans la vallée, on traversa la rivière à
gué pour se mettre à l'abri d'une grotte. Un cours d'eau coulait dans le roc.
Les sept compagnons se désaltérèrent. Ils firent quelques ablutions, et se
restaurèrent avec un cuissot d'alpaga pris par Bois-de-Chêne. Le Normand était
devenu aussi habile que le meilleur chasseur inca.
Zéphyrine
s'était éloignée. Ses cheveux étaient imprégnés de l'odeur du puma. A l'abri
d'un rocher, elle se déshabilla et se mit sous le jet de la source. Parée de
ses cheveux tombant sur ses reins, elle ferma les yeux. Elle offrait son visage
et son
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