La Rose de Sang
vengeance.
— Ce
n'est pas mon enfant ! Ce n'est pas Luigi ! Votre comédie est indigne de vous
et votre maître scélérat ! Ainsi, vous pensiez vous attacher ma reconnaissance.
Quel est cet enfant ?
— Mais,
Princesse, je vous jure, c'est le vôtre. Le prince Luigi Farnello. Comment
pouvez-vous le savoir ? Vous ne l'avez pas vu depuis six mois. A cet âge-là...,
balbutia don Ramon.
— Hélas
non, ce n'est pas notre petit Luigi, il n'a pas le signe ! surenchérit Pluche,
qui avait pris l'enfant des bras de Zéphyrine Pour le regarder et le
démailloter.
Sous le châle de soie, le pauvre petit maigriot ne portait
qu'une chemise déchirée et d'une saleté épouvantable.
— Cet
enfant n'a pas deux mois ! déclara Emilia qui s'y connaissait.
— Sac
à puces ! gronda La Douceur.
— Remportez
cet enfant, Señor, et ramenez-le à sa mère. J'aihonte pour vous ! déclara Zéphyrine.
Elle tourna le dos
à don Ramon. Encore bouleversée, elle allait remonter vers sa chambre, mais le
gentilhomme l 'arrêta.
— Madame,
je vous ai rapporté votre enfant, il faut le garder!
Les yeux
flamboyants, Zéphyrine se retourna vers don Ramon.
— Pour
le donner à manger aux cochons? Le jeter aux ordures ? Vous avez commis une
sottise, vous avez acheté cette malheureuse créature dans les bas quartiers...
— Jamais,
Madame ! protesta don Ramon avec indignation.
— Alors,
vous vous êtes fait duper ! fit Zéphyrine.
Sous le regard
incisif, don Ramon se troubla.
— Mais,
je...
— Parlez,
Señor.
— A
vous d'abord, Madame, quel est ce signe dont vous parlez ?
Zéphyrine n'hésita
pas.
— Venez,
Messire.
Dans la chambre,
l'écuyer Piccolo faisait jouer Corisande avec son épée.
— Voilà,
Señor, la jumelle de Luigi, voici la fleur que portent mes deux enfants...
— Comme...,
murmura don Ramon.
Il s'arrêta
brusquement.
— Comme
Sa Majesté Charles Quint ! Oui, je l'ai vue cette nuit, admit Zéphyrine. Cette
rose de sang prouve certainement que nos familles furent alliées autrefois.
— Peut-être
par la maison de Bourgogne ! bégaya don Ramon.
Il ne savait plus
s'il était troublé par cette révélation ou par la présence si proche de
Zéphyrine. Penché au-dessus d'elle pour regarder Corisande, don Ramon voyait
les magnifiques seins de la jeune femme comprimés dans le corselet. Le sévère
gentilhomme imaginait son corps nu, ses jambes, son ventre, et le sexe doré,
véritable toison d'or.
— Je
pense que l'alliance remonte à plus loin ! fit Zéphyrine en rendant Corisande à Piccolo.
Elle ne tenait pas à parler
de son ancêtre l'empereur Saladin.
Don Ramon se
redressa, son teint ivoirin avivé. Zéphyrine était trop féminine pour ne pas avoir saisi
son état de confusion . Elle était trop intelligente pour ne pas
comprendre l'avantage qu'elle pouvait en tirer. « Cet homme est le confident de
" Charles qui triche ", il sait beaucoup de choses et je dois les
apprendre . A tricheur,
tricheur et demi. »
— Mon
bon Piccolo, la petite a faim, descends-la à Pluche.
Dès que la porte se
fut refermée sur l'écuyer, Zéphyrine porta la main à sa tête.
— Soutenez-moi,
Messire, je me sens mal. Tout ceci m'a bouleversée.
Elle s'appuyait contre don Ramon.
— Venez,
Madame...
L 'hidalgo tenait
respectueusement le bras de Zéphyrine. Il voulait la conduire à un fauteuil, mais cela ne faisait pas l'affaire de la jeune
femme. Il fallait jouer vite et frapper fort.
— Je
ne suis qu'une pauvre femme, seule au monde, sans le bras d'un chevalier pour
la secourir ! L'empereur se joue de moi, Messire, et vous... Ah ! vous, don
Ramon, c'est ce qui m'atteint le plus. Je n'aurais jamais cru cela d'un
gentilhomme tel que vous...
Zéphyrine laissa
tomber sa tête sur le pourpoint masculin. Si ses propos ne l'étaient pas, des
larmes sincères l'étouffaient.
— Ah
! Madame, vous me fendez le cœur ! murmura don Ramon.
Il tenait Zéphyrine
par la taille, pétrissait ses mains avant d'y déposer des baisers. Cet homme de
glace devenait de braise.
— Sur
mon honneur, Señora, vous êtes la dernière personne à qui j'aurais voulu faire
du mal. Ah ! Señora... !
Avec étonnement,
Zéphyrine sentait à travers les
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