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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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rien par
elles-mêmes ?
    — Je croirais que tu cherches à
m’abuser, citoyenne. Tu prétends que le jeu de tarots remonte à l’Egypte
ancienne ? C’est ridicule.
    Elle secoua la tête, sans se
départir d’une expression glacée :
    — C’est le dieu Thot, que les
Grecs ont nommé Hermès Trismégiste, qui est considéré comme l’inventeur de
l’écriture la plus ancienne qui soit. Mais l’écriture de Thot n’était pas un ensemble
de lettres qui forment des mots comme le sont nos alphabets actuels, c’étaient
des images qui formaient des tableaux et montraient les choses dont on voulait
parler. Il est naturel que l’inventeur de ces images ait été le premier
historien : en effet, Thot est considéré comme ayant peint les dieux,
c’est-à-dire, les actes de la Toute-Puissance, ou la Création, à laquelle il
joignit des préceptes de morale. Ce livre a d’abord été nommé A-Rosh ; d’A,
doctrine, science ; et de Rosch, le nom égyptien d’Hermès, qui, joint à
l’article T, signifie « tableaux de la doctrine d’Hermès ». D’où son
nom de Ta-Rosh particulièrement consacré à la divination de ce qui allait
advenir. Certes, ces quelques cartes forment un livre bien peu volumineux,
mais, tu le sais, les premiers écrits qui nous sont parvenus des civilisations
grecques étaient bien brefs, et de leur poésie on apprenait beaucoup de choses.
    La tête lui tournait. Où
voulait-elle en venir avec ce verbiage ?
    — Chaque carte en elle-même
raconte une histoire, continua la jeune femme. L’histoire des dieux de ce
temps. Les images en ont été altérées par l’ignorance des hommes bien sûr, mais
moi, le tarot dont je me sers est le plus proche qui soit du livre de Thot.
    Sénart se prenait au jeu de la
curiosité :
    — Mais comment l’histoire des
dieux pourrait-elle te permettre de prévoir l’avenir ?
    Elle plongea ses yeux dans les
siens et il eut un frisson. Elle avait été si rieuse et enjouée tout à l’heure.
Alors que là, il avait l’impression de tomber dans un puits de ténèbres.
    « Elle cherche à
t’abuser ! » se répéta-t-il en vain.
    — Individuellement, elles ne
sont d’aucune utilité. C’est leur alliance décidée par le sort, ou plutôt par
la puissance divine, car le ciel même influe sur le tirage des cartes, qui te
racontera l’avenir. Prends trois cartes.
    Elle battit le jeu et le lui
tendit. Il tira trois cartes au hasard et les posa sur la petite table après
les avoir retournées. L’une d’elles représentait un livre, la deuxième une
femme vêtue à l’antique et la troisième un serpent.
    — Comme tu es un homme, la dame
figure ton épouse, ta mère, ta maîtresse ou une amie ; en tout cas, une
femme importante dans ta vie. La carte à côté te donnera plus de précisions.
C’est un livre : les deux cartes ensemble montrent qu’il s’agit d’une
femme très secrète qui se donne difficilement. Quant au serpent, il te dit
qu’il faudra se méfier de ses belles paroles : c’est une enjôleuse !
    Il s’agita sur son tabouret.
Allait-elle donc longtemps se moquer de lui ?
    — La femme secrète dont je dois
craindre les belles paroles c’est toi, évidemment. N’as-tu rien de plus
concluant à me proposer ?
    — Tu veux une prédiction sur le
problème qui t’amène ici ? Soit. Faisons les choses dans les formes. Voici
la carte qui te représente.
    Sur la carte figurait un homme
vêtu à l’antique.
    — Le problème qui te concerne a
trait à quelque manigance policière, je pense.
    Il approuva à contrecœur.
    Elle déposa à côté de l’homme
une carte représentant un renard.
    — Maintenant, tu vas me dire
cinq chiffres. Ceux que tu veux, pourvu qu’ils n’excèdent pas trente et un.
    Il répondit sans
réfléchir :
    — Trois, cinq, douze,
vingt-quatre et trente.
    La Sibylle battit le jeu
lentement et soigneusement. Sénart eut l’impression que, malgré le beau temps
qui régnait sur Paris, la température venait subitement de baisser dans la
pièce.
    Cinq cartes se dévoilèrent à
côté des deux autres.
    — La dame, encore elle. Et le
livre, aussi. Le cercueil et la faux. Et… le cavalier. Voilà qui est bien
étrange.
    — Que veux-tu dire ?
Vois-tu quelque chose dans ces figures ineptes ?
    Elle baissa la tête et effleura
les cartes de sa main en murmurant des mots qu’il ne comprit pas.
    — Je vois… d’abord la mort. Une
mort atroce, sanglante. Je vois aussi beaucoup de

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