La Sibylle De La Révolution
une boule au fond de la gorge qu’elle se retourna dans son
lit pour essayer de dormir.
Les prophéties de la Sibylle
2e prédiction
Le sommeil me fuit cette nuit-là. Au loin, un tonnerre grondant vient rappeler
aux mortels que la nature et le Créateur sont tout-puissants et que nous
autres, mortels dérisoires, ne sommes que des jouets entre les mains agissantes
des éléments. La foudre s’abat parfois sur quelque campagne lointaine et il se produit
un grand craquement. Comme si, là-bas, au loin, des forêts entières se
brisaient sous l’action d’un géant. Le roulement qui suit l’éclair est comme le
souffle d’un démon. Si loin mais aussi si proche. Il fait chaud, je suis
terrifiée dans mon lit.
Au milieu de cette nuit de
cauchemar, une silhouette éthérée apparaît. Parfois, un éclair l’illumine. Je
reconnais ces deux immenses ailes, ce visage marmoréen. Ces yeux qui me contemplent
fixement à travers la nuit. C’est lui, c’est Idraël.
Il revient, fidèle messager des
cieux. Mais, au milieu de l’orage, il ressemble à quelque démon. Les présages
qu’il m’apporte sont certainement bien mauvais et je ne peux m’empêcher de me
recroqueviller sous mes draps, comme si une action aussi enfantine avait le
pouvoir de me protéger des monstruosités dont il vient me faire part.
Pourquoi est-ce moi qu’il vient
visiter ? Pourquoi moi seule sais ce qui va advenir ? Pourquoi, parmi
tous ses enfants, le créateur m’a-t-il choisie, moi, et m’a-t-il fait don de ce
pouvoir maudit ?
« Sibylle, ne te cache
plus et écoute-moi. Ce que je vais dire ne peut être entendu que par
toi. »
Je réponds en sanglotant :
« Va-t’en, Ange de la
Terre. Va tourmenter une autre mortelle. Je t’en supplie, ne me dis rien. Je ne
veux pas savoir ce qui va arriver. »
Il est tout proche maintenant,
juste au-dessus de mon lit. Même cachée, même les mains sur la figure, je ne
peux m’empêcher de le voir.
« Tu dois m’entendre,
pourtant. Je suis retourné voir le Créateur. J’ai de nouveau pour toi parcouru
éons et éons, univers et univers. De nouveau je me suis prosterné à ses pieds.
De nouveau, j’ai supplié. De vous épargner vous, les Français, mais Celui qui
Parle est toujours en grande fureur. Voilà ce qu’il m’a dit.
— Non, je ne t’écouterai
pas !
Il y a de la commisération dans
la voix d’essence divine, dans ce timbre fait pour chanter les louanges du
Très-Haut et répéter ses terrifiants arrêts.
« Ta souffrance n’est pas
encore terminée, Sibylle. Il a d’autres vues sur toi. Voilà ce qu’il a
dit : « L’iniquité et le blasphème règnent dans le doux pays de
France. Cette région qui m’était autrefois si fidèle est devenue le repaire de
l’antéchrist. En vérité, je sais qu’il est là, qu’il défie ma puissance. Je
sais aussi que les rebuts humains qui adorent le démon vont de pair avec lui.
Il y aura une fête, une grande fête. Une immonde bacchanale, un sabbat en plein
jour où il apparaîtra, lui l’antéchrist, aux yeux de tous. Il se fera poser sur
le front une couronne d’iniquité et il régnera sur la France. Mais cette
engeance ne pourra pas durer. Mon ange vengeur, celui qui a détruit autrefois
Sodome et Gomorrhe, s’abattra sur ce pays et le réduira à feu et à sang. Le
père tuera le fils, le fils insultera sa mère qui couchera avec sa propre
progéniture. Alors, mon ange dira le mot sacré. Les trompettes sonneront, les
sceaux seront brisés et enfin ce sera le combat terrifiant. Celui de la bête
contre l’archange. Des centaines de milliers de mortels seront précipités
jusqu’aux enfers. Jeunes, vieux, innocents ou coupables. Tous seront voués aux
flammes éternelles. Peuple de France, qu’as-tu donc fait ? »
Idraël m’a transmis le message
du Grand Architecte et je me réveille, tremblante, en sueur, les draps de mon
lit collés à mon corps douloureux. C’est le matin, il fait chaud, mais j’ai vu
ce qui allait se produire. J’ai contemplé un spectacle qui ne devrait pas être
vu par des yeux humains. Je grince des dents et me contorsionne en poussant des
cris de bête blessée.
Pourtant, je sais ce qu’il va
advenir.
En pénétrant dans l’enceinte du
couvent, accompagnée par le prêtre, Marie-Adélaïde comprit immédiatement que
l’endroit ne respirait ni la paix ni l’amour de Dieu. Aussitôt, des silhouettes,
invisibles aux
Weitere Kostenlose Bücher