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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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yeux des autres, l’entourèrent en silence tout en la fixant de
leurs yeux vitreux.
    Beaucoup de gens étaient morts
en ces lieux. Des femmes, surtout. Des enfants aussi. Car, dans les anciens
temps, la règle était impitoyable, toute femme qui avait eu le front de pécher
était débarrassée du fruit de sa fornication et condamnée à finir ses jours
dans quelque cul-de-basse-fosse.
    La fillette baissa la tête et
tenta de se concentrer sur une vision joyeuse. Hélas ! c’est l’image de
son père qui lui vint aussitôt à l’esprit. Son sourire, ses yeux illuminés...
et sa chute brutale dans le puits, son cri terrifié auquel répondait le sien.
    Le bon curé mit le geste de
recul de son ouaille sur le compte de la fatigue et de la timidité.
    — Allons, ma fille, avance. Tu
verras, la mère supérieure est une sainte et bonne personne qui prendra bien
soin de toi.
    Elle se souvint longtemps de sa
première entrevue avec celle qui allait devenir son bourreau. Une grande pièce
froide et voûtée. En quelques mots que la fillette ne comprit pas, le guide
expliqua à la mère supérieure l’histoire qu’elle avait vécue, le grand trouble
à la mort de son père et les propos incohérents qu’elle tenait. Pour finir, il
sortit de sa robe une bourse bien garnie qui avait été fournie par la mère de
la fillette. Marie-Adélaïde surprit dans le regard de la religieuse une fugace
expression de convoitise. Enfin, le brave homme s’en fut, après une dernière
parole d’encouragement à Marie-Adélaïde.
    Elles étaient toutes deux face
à face.
    — Il n’est pas d’usage que
notre saint ordre accueille des filles de basse extraction, commença-t-elle sur
un ton cassant. Je ne l’ai fait que pour plaire à ce saint homme. Sache
néanmoins qu’il n’y a ici que des demoiselles de bonne famille. Tu leur devras
respect et obéissance. Apprends à garder ta place, obéis-leur en tout point et
peut-être pourras-tu trouver la tranquillité ici. Mais sache que tout écart
sera cruellement châtié. N’attends de notre part aucune pitié, aucune indulgence.
Si tu fautes, il ne te restera comme ressource que de t’en remettre au Créateur.
    Et pendant qu’elle parlait, Marie-Adélaïde
vit : beaucoup de filles inconnues, des tourments quotidiens. On lui
tirait les cheveux, on souillait ses vêtements. Elle était condamnée à rester
debout ou, pire, couchée de longues heures sur les froides dalles de la
chapelle.
    Elle le comprit tout de suite,
sa vie au couvent insérait que douleur et chagrin.
    Pourtant, Marie-Adélaïde se
rendit compte très vite des avantages que lui procurait son don dans de telles
circonstances. Certes, elle ne pouvait pas changer l’avenir qu’elle voyait s’écouler
devant elle en de furtives visions, mais elle pouvait en jouer.
    Les premiers mois, jetée dans
un dortoir à moitié désaffecté, placée sous la coupe de ces demoiselles, elle
en subit mille avanies. On la battait et, dès qu’elle tentait de se défendre, les
apparences se retournaient contre elle. Les sœurs ne la croyaient pas, même
lorsque l’évidence était de son côté.
    — Mais goûtez ma sœur, ce n’est
tout de même pas moi qui ai salé mon propre dessert.
    Une gifle lui répondait.
    — Tais-toi, petite propre-à-rien !
    La mère supérieure intervenait
parfois et les châtiments étaient encore plus durs. Elle était condamnée à
rester dehors en plein froid, à peine vêtue d’une chemise humide. Elle devait demeurer
toute une nuit en génuflexion devant la statue de la Vierge Marie qu’elle prit
dès lors en horreur, et, pire que tout, elle se trouva placée au service de ces
demoiselles et obligée de subir leurs moindres caprices.
    Néanmoins, petit à petit, la
situation changea.
    Grâce à sa faculté de voir
l’avenir, elle savait très bien laquelle de ces chipies inventerait à son
profit une nouvelle torture. Et si elle n’avait pas la possibilité de l’éviter,
au moins était-elle assurée de se venger.
    Olympe et Donatienne en firent
les frais les premières. Les deux demoiselles, filles de pairs de France,
avaient imaginé de l’envoyer pour quelque course imaginaire dans le cimetière
du couvent.
    « Il y a là-bas le plus
merveilleux arbre du monde qui produit les fruits les plus exquis qui soient.
Les sœurs se les réservent pour elles. Marie-Adélaïde, va nous en chercher un
panier. Si nous sommes satisfaites, nous daignerons peut-être t’en faire

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