La Sibylle De La Révolution
nanti
de nombreux pouvoirs révolutionnaires. Mais, ajouta-t-elle avec un clin d’œil,
pourquoi prendre de force ce que tu pourrais peut-être avoir de bon gré ?
Il se sentit rougir. D’autant
que, avant même de vérifier s’il tournait la tête, elle se mit à défaire sa
robe pour apparaître très vite en corset. Il s’empressa de regarder de l’autre
côté.
« Mais que
fait-elle ? Elle va me rendre fou. »
Les yeux fixés sur les étagères
surchargées de dossiers, il ne put s’empêcher d’entendre le tissu crisser et
tomber mollement sur le parquet du bureau.
« Ce n’est pas
possible ! Est-elle nue maintenant ? »
À sa grande honte, il mourait
d’envie de vérifier ce dernier point. Après tout, ne venait-elle pas de lui
suggérer qu’il pourrait disposer de ses faveurs ? « Non, je ne peux
pas faire ça. »
— As-tu une couverture ?
— Euh, oui.
Il fit quelques pas vers un
meuble d’ordonnance et en tira une étoffe de laine.
— Tiens.
Pour lui tendre le tissu, il
s’était retourné. Elle était devant lui. Son corps brillait faiblement dans la
semi-obscurité de la pièce mal éclairée par la bougie posée sur le bureau.
Merveilleuse, stupéfiante,
toute de courbes gracieuses et fines, cette vision lui coupa le souffle. Il
resta un instant dans un état de complète stupéfaction. Elle gardait ses yeux
plongés dans les siens. Une expression mystérieuse sur le visage.
— Donne.
Il sursauta :
— Quoi ?
— La couverture, voyons. J’ai
froid.
— Ah oui, bien sûr.
D’une main mal assurée, il lui
tendit le drap. Elle s’en enveloppa d’un geste d’une grâce toute féminine.
— Merci, citoyen.
L’atmosphère dans le bureau
sembla s’épaissir, se charger d’électricité. Il hésita : « Il faut
que je fasse quelque chose… » Mais quoi ? La prendre dans ses bras,
jouir d’elle. Ici ? Il baissa la tête. À cet instant, il aurait voulu
enlever l’étoffe dont elle venait de se couvrir et… Son regard croisa de
nouveau le sien.
« Elle sait. C’est comme
si elle lisait dans mon esprit. »
Ils restèrent un instant ainsi,
debout l’un en face de l’autre.
— Eh bien, puisque me voilà
couverte, je vais pouvoir dormir.
Aussitôt, le charme fut rompu.
— Oui, passe une bonne nuit.
— Et toi, citoyen, que vas-tu
faire ? Si je comprends bien, c’est ton lit que je vais occuper.
Et elle ajouta, avec un soupçon
de malice :
— Il est d’ailleurs trop exigu
pour que je t’y accueille confortablement.
— Oui, il n’est fait que pour
une seule personne, continua-t-il sur un ton qu’il trouva lui même forcé. Je
crois que je vais travailler. Vadier sera là au matin et il voudra un rapport.
Autant le rédiger maintenant.
— Tu as raison, citoyen. Bon
courage.
Et elle se retourna pour se
glisser dans le lit. Il la suivit du regard avec mélancolie puis se ressaisit.
Lui-même alla s’asseoir à son bureau, sortit une nouvelle feuille vierge et
commença à rédiger :
« Rapport destiné au
Comité de sûreté générale suite au meurtre commis rue des Ménétriers. Ce
jour-là, je me suis rendu à la prison de la Petite Force où j’ai demandé à voir
la ci-devant Marie-Adélaïde Lenormand, susceptible de nous apporter des
éclaircissements sur cette affaire… »
Il leva la tête : la
respiration de la jeune femme était devenue régulière. Elle dormait maintenant.
Il regarda longuement la silhouette obscure sur le lit de camp. N’était-ce pas
un sein qu’on distinguait là ? Son imagination ne lui jouait-elle pas des
tours ?
Il se sentait abattu. Jamais il
n’avait vu de fille aussi belle. Elle possédait un visage d’enfant mais son
corps était bien celui d’une femme. Et elle s’était presque donnée à lui. Il
aurait suffi d’un mot, d’un simple geste peut-être.
Dans un mouvement de
découragement, Sénart se replongea dans son rapport.
Couchée sur le lit de camp,
Marie-Adélaïde faisait semblant de dormir tout en examinant avec attention le
jeune homme penché sur sa table de travail. Comme il l’avait regardée tout à
l’heure ! Il était vraiment mignon.
« Vraiment très mignon, se
dit-elle une fois de plus. Et tellement maladroit. »
Un instant, elle eut l’espoir
que tout ne se déroule pas comme elle l’avait prévu. Mais, elle le savait bien,
aucune force dans l’univers n’était capable de modifier l’avenir.
À la fin, c’est presque les
larmes aux yeux et
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