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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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molènes (bouillon blanc), si utiles aux fomentations.
    Vous rencontrez au-dessus une plante déjà suspecte, que plusieurs croyaient un poison, la plante miellée d'abord, amère ensuite, qui semble dire le mol de Jonathas : « J'ai mangé un peu de miel, et voilà pourquoi je meurs. » Mais cette mort est utile, c'est l'amortissement de la douleur. La douce-amère, c'est son nom, dut être le premier essai de l'homéopathie hardie, qui, peu à peu, s'éleva aux plus dangereux poisons. La légère irritation, les picotements qu'elle donne purent la désigner pour remède des maladies dominantes de ce temps, celles de la peau.
    La jolie fille désolée de se voir parée de rougeurs odieuses, de boutons, de dartres vives, venait pleurer pour ce secours. Chez la femme, l'altération était encore plus cruelle. Le sein, le plus délicat objet de toute la nature, et ses vaisseaux qui dessous forment une fleur incomparable 36. est, par la facilité de s'injecter, de s'engorger, le plus parfait instrument de douleurs. Douleurs âpres, impitoyables, sans repos. Combien de bon cœur elle eût accepté tout poison ! Elle ne marchandait pas avec la sorcière, lui mettait entre ses mains la pauvre mamelle alourdie.
    De la douce-amère, trop faible, on montait aux morelles noires, qui ont un peu plus d'action. Cela calmait quelques jours. Puis la femme revenait pleurer : « Eh bien, ce soir, tu reviendras. Je te chercherai quelque chose. Tu le veux. C'est un grand poison. »
     
    La sorcière risquait beaucoup. Personne alors ne pensait qu'appliqués extérieurement, ou pris à très-faible dose, les poisons sont des remèdes. Les plantes que l'on confondait sous le nom d' herbes aux sorcières semblaient des ministres de mort. Telles qu'on eût trouvées dans ses mains, l'auraient fait croire empoisonneuse ou fabricatrice de charmes maudits. Une foule aveugle, cruelle en proportion de sa peur, pouvait, un matin, l'assommer à coups de pierres, lui faire subir l'épreuve de l'eau (la noyade). Ou enfin, chose plus terrible, on pouvait, la corde au cou, la traîner à la cour de l'église, qui en eût fait une pieuse fête, eût édifie le peuple en la jetant au bûcher.
    Elle se hasarde pourtant, va chercher la terrible plante ; elle y va au soir, au matin, quand elle a moins peur d'être rencontrée. Pourtant, un petit berger était là, le dit au village : « Si vous l'aviez vue comme moi, se glisser dans les décombres de la masure ruinée, regarder de tous côtés, marmotter je ne sais quoi !... Oh ! elle m'a fait bien peur... Si elle m'avait trouvé, j'étais perdu... Elle eût pu me transformer en lézard, en crapaud, en chauve-souris... Elle a pris une vilaine herbe, la plus vilaine que j'aie vue ; d'un jaune pâle de malade, avec des traits rouge et noir, comme on dit les flammes d'enfer. L'horrible, c'est que toute la tige était velue comme un homme, de longs poils noirs et collants. Elle l'a rudement arrachée, en grognant, et tout à coup je ne l'ai plus vue. Elle n'a pu courir si vite ; elle se sera envolée... Quelle terreur que cette femme ! quel danger pour tout le pays ! »
    Il est certain que la plante effraye. C'est la jusquiame, cruel et dangereux poison, mais puissant émollient, doux cataplasme sédatif qui résout, détend, endort la douleur, guérit souvent.
    Un autre de ces poisons, la belladone , ainsi nommée sans doute par la reconnaissance, était puissante pour calmer les convulsions qui parfois surviennent dans l'enfantement, qui ajoutent le danger au danger, la terreur à la terreur de ce suprême moment. Mais quoi ! une main maternelle insinuait ce doux poison 37. , endormait la mère et charmait la porto sacrée ; l'enfant, tout comme aujourd'hui, où l'on emploie le chloroforme, seul opérait sa liberté, se précipitait dans la vie.
     
    La belladone guérit de la danse en faisant danser. Audacieuse homéopathie, qui d'abord dut effrayer ; c'était la médecine à rebours , contraire généralement à celle que les chrétiens connaissaient, estimaient seule, d'après les Arabes et les juifs.
    Comment y arriva-t-on ? Sans doute par l'effet si simple du grand principe satanique que tout doit se faire à rebours , exactement à l'envers de ce que fait le monde sacré. Celui-ci avait l'horreur des poisons. Satan les emploie, et il en fait des remèdes. L'Église croit par des moyens spirituels (sacrements, prières), agir même sur les corps, Satan, au rebours, emploie des

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